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Notre dernière journée démarre sous un soleil radieux, et sous une température plutôt clémente, autour de 0°c. Les nuages s’étirent à perte de vue dans un ciel bleu magnifique, et je prend le temps de faire des photos de ce lieu insolite qu’est ce motel-église.

Je continue ma balade, en buvant mon café et fais quelques photos des vieilles fermes aux alentours, dont le bois de construction ressemblant à du chêne, a fortement été travaillé par le gel et le froid.

On rassemble les affaires, prêts à partir, et j’essaye de capturer l’ambiance unique de ce lieu, avec les nouveaux testaments posés dans la salle commune, les caches sur les plaques de cuisson à l’effigie d’anges.

Alors qu’on s’apprête à partir j’aperçois dehors devant l’une des chambres, ce que je pense être des Skolts, des Sames russes. En effet une voiture immatriculée en Russie est garée sur le parking et ils portent l’un des habits traditionnels sames. Un élément de plus qui nous rappelle que nous bien en plein cœur du pays same.

 

Et ce n’est pas le seul signe que nous aurons dans la journée.

 

Hier soir on a étudié quelques tracés, car notre dernière étape se trouve être en ligne droite jusqu’à Kiruna, et en plus elle n’est pas très longue. On cherche donc comment faire un chemin plus long en fouillant les petites routes aux alentours.

 

On multiplie les arrêts le long de la route, tant il est bon de prendre le soleil, simplement vêtu d’un sweat (bon avec quelques couches en dessous quand même). Et dire qu’hier le temps était bouché.

Une petite route au niveau du croisement avec Vittangi, nous amène à une petite ville du nom de Kuoksu. Selon la carte, il semble qu’il faille un bac pour traverser la rivière. Cela me rappelle un peu l’histoire de Suvanto en Finlande, et on décide d’aller vérifier tout ça.

Sur le chemin alors que le température se réchauffe grandement, atteignant jusqu’à 4°c, les arbres commencent à se délester de leur neige, tombant sous l’effet du vent, du redoux et du soleil. Les gouttières ruissellent, les routes fondent, bref, on sent que petit à petit l’hiver amorce sa fin.

 

Arrivé à Kuoksu, petite déception, plus question de bac comme le semble indiquer notre carte, mais c’est tout simplement un pont qui nous permet de traverser la rivière Torne (Torne Älv). On se balade tout de même le long de la rivière afin de profiter du beau temps.

Rebroussant chemin, on continue notre route jusqu’à Vittangi, mignon petit village où en ce samedi matin la vie semble se dérouler calmement. Les gens reviennent de leurs courses, d’autres font leur sport, ou profitant de la douceur du temps, aèrent leurs maisons et leur linge.

 

L’église qui se dresse dans un petit parc nous tente bien, mais à peine ouvert la porte, nous rebroussons chemin, en effet celle-ci est comme qui dirait en utilisation…

Nous flânons dans la ville, admirant les vieilles petites maisons en bois, passant devant un bâtiment administratif. La vie semble vraiment calme et douce à Vittangi.

Pas très loin d’une vieille ferme, on voit une sculpture de glace de Néfertiti qui, elle aussi, sous l’effet du soleil commence à fondre et penche sérieusement !

On reprend notre chemin pour nous arrêter du côté de Svappavaara, tout petit village perdu sur les flancs d’une mine de cuivre et de fer, nous faisant bien comprendre que nous nous rapprochons de la ville minière de Kiruna et de la fin du voyage.

 

Néanmoins c’est sous un soleil radieux, des nuages magnifiquement étirés et un ciel d’un bleu éclatant que nous faisons notre arrêt déjeuner sous la surveillance des cheminées de la mine au loin.

Arrivés sur Kiruna, les routes ont de plus en plus perdu de leur neige et de leur glace. Elles sont désormais luisantes et détrempées. Mais là encore le soleil fait sortir les gens, et sur la rivière on voit quelqu’un se balader à traîneau.

De retour à Kiruna, nous en profitons pour faire quelques courses. Et puis on se dit que quitte à être là et avoir un peu de temps pourquoi ne pas continuer un peu et tenter cette petite route sans numéro qui mène à Nikkaluokta et au pied du Kebnekaise, la plus haute montagne de Suède.

 

On ne le regrette pas, car la route est vraiment mignonne, et peu fréquentée. Qui plus est, au loin le soleil se couche et nous allons dans sa direction. Malgré que la route soit dans un sale état, entre fissures dues sans doute aux répercussions de l’activité de la mine de Kiruna, – dos d’âne et trous-, la vue sur les montagnes qui se forment au loin, et ce soleil qui nous accompagne dans sa descente, se reflétant dans une partie de la Paittasjärvi à moitié dégelé par endroits, en fait un spectacle magnifique.

Alors que la route défile, on remarque sur le bord de la route, une petite aire et une maison en bois, qui doit sans doute servir de refuge ou d’endroit où traîner pour les jeunes à la vue des inscriptions gravées dans le bois. On décide de s’y arrêter afin de profiter du coucher de soleil derrière les nuages.

En contrebas de la maison, une petite rivière est dégelée sur une centaine de mètres. Le soleil couchant s’y reflète et la vue est sublime.

Au fur et à mesure que la route s’avance dans les montagnes, le temps se dégrade. Même si les températures n’ont pas bougé, c’est une neige fondante qui tombe désormais du ciel. La route s’étire, et petit à petit des nuages gris, chargés, inquiétants se forment au-dessus de nos têtes. L’atmosphère change, devient presque mystique, surtout quand quelques nuages roses apparaissent dans le ciel.

Soudain la route s’arrête, nous voilà à Nikkaluokta. Le bout du monde, au pied du Kebnekaise. Tout de suite, nous sommes imprégnés d’une atmosphère très particulière dégagée par cet endroit. Les montagnes dans la brume, le ciel chargé, le vent très fort, et ce côté No Man’s Land y sont sans doute pour beaucoup.

 

Les drapeaux suédois et same qui trônent juste en face de l’hôtel-réception-office de tourisme, se font littéralement malmener par les assauts du vent.

Au loin alors qu’on se dirige vers la chapelle on remarque que des gens semblent en sortir, et avancer en procession. En file indienne, presque deux par deux, ils avancent, descendant la colline. Tout de suite cela nous rappelle une vidéo vue dans le musée de Enontekiö.

 

En effet, ce sont des sames. On apprendra plus tard qu’ils viennent de célébrer un mariage et redescendent de la chapelle pour la réception. Je n’ose pas prendre de photo de peur d’avoir une attitude trop voyeuse, mais tout de même cette procession avec le ciel lourd de nuages ne fait que rajouter au mysticisme de cet instant privilégié.

 

En bas de l’escalier abrupt qui monte à la chapelle se trouve le départ des pistes de trek, signalé par trois morceaux de bois empilés en forme de tipi, où est accrochée une paire de chaussures de rando.

Le Kebnekaise, haut de 2111m, est le point culminant de Suède. Cocorico, il a été grimpé pour la première fois par un français du nom de Charles Rabot, le 22 Août 1883. Six ans plus tard, le premier suédois, un jeune de 17 ans, du nom de Björling réussit à son tour l’ascension. Quatre ans plus tard il disparut au Groenland. Un des glaciers du Kebnekaise a été baptisé en son nom.

 

Ce qui est intéressant à savoir, c’est que lorsque Björling entreprit son ascension, il n’y avait pas d’habitations à Nikkaluokta. La première population sédentaire date de 1911. Avant cela, le coin était inhabité, seuls quelques sames nomades étaient dans le coin. Aujourd’hui Nikkaluokta est habité presque exclusivement par des éleveurs de rennes sames.

 

Au pied de la colline où se trouve la chapelle, des petites bougies ont été allumées tout le long du chemin. La pente est assez raide et très glissante.

Nous grimpons jusqu’à la petite chapelle en bois, où l’un des invités du mariage nous invite à rentrer. L’atmosphère là aussi est mystique, ça sent bon les épices, l’encens et le bois. L’atmosphère y est chaleureuse, éclairée presque uniquement par des bougies, faisant ressortir les petits vitraux.

Alors qu’une vieille dame et sa petite fille ferment l’église juste derrière nous, le vent se lève et fait rage. On monte sur un petit promontoire qui domine la vallée et d’où les rafales nous cinglent le visage et nous font tanguer.

Ne sachant pas comment le temps va tourner nous redescendons, passons devant l’unique lieu de vie du village, le restaurant boutique, qui l’été doit être rempli de randonneurs. Les sames ont allumé de grandes torches tout autour afin d’illuminer les lieux. On tente de se détacher de cette atmosphère de fin du monde, en ressentant vraiment le fait d’être en plein cœur du pays same. En cette saison, peu de touristes, et pas de côté folklorique, attrape touriste. On se sent privilégié et il est dur d’exprimer l’ambiance et les forces qui flottent dans les airs et s’emparent de nous.

 

Le retour sur Kiruna se fait dans le silence de ce moment vécu. La ville minière est engloutie par des nuages jaunes où se reflètent les lumières de la ville.

Nous reprenons nos quartiers à notre auberge de jeunesse des premiers jours. On avale un repas accompagné d’une bière norvégienne, le tout devant l’une des émissions les plus populaires de Suède, les sélections du représentant suédois à l’Eurovision.

Ce soir on sait que les prévisions d’Aurores sont très bonnes alors on décide de tenter une dernière sortie. Arrivés sur place, à quelques mètres de nous d’autres personnes sont là à attendre le spectacle. Le ciel s’anime derrière les nuages et le spectacle commence.

Durant une bonne demie-heure, nous aurons droit à une dernière représentation de la Reine des lumières. Assis sur les congères, le silence seulement troublé par le passage régulier des gigantesques trains de la mine de Kiruna, on profite de notre dernière nuit d’Aurores Boréales, en dégustant chaque minute jusqu’à ce que les nuages viennent mettre fin à cette dernière danse.

Demain retour sur Paris, via Copenhague. Notre road trip touche à sa fin.

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