finnmarkable_bannerday_3
Retour du Monde - FinnmarKable - Jour 1 Retour du Monde - FinnmarKable - Jour 2 Retour du Monde - FinnmarKable - Jour 3 Retour du Monde - FinnmarKable - Jour 4 Retour du Monde - FinnmarKable - Jour 5 Retour du Monde - FinnmarKable - Jour 6 Retour du Monde - FinnmarKable - Jour 7 Retour du Monde - FinnmarKable - Jour 8 Retour du Monde - FinnmarKable - Jour 9 Retour du Monde - FinnmarKable - Jour 10 Retour du Monde - FinnmarKable - Video Retour du Monde - FinnmarKable - Epilogue
Podcast de voyage

rdm---finnmarkable_day_3

Il est 7h du matin quand on ouvre les yeux, encore une fois, nous émergeons 1 heure avant le réveil, à croire que ça commence à devenir une habitude.

 

J’écarte le rideau et c’est pour constater que Honningsvåg est sous une petite tempête. Des flocons d’une neige bien collante virevoltent et se font salement malmener par les assauts du vent. Le ciel lui est de plomb et donne à voir un dégradé de gris tirant sur le bleu.

Le temps d’avaler un copieux petit déjeuner et les montagnes entourant Honningsvåg se sont fait avaler par le brouillard neigeux. Mais ici, comme souvent près de la mer, le temps peut virer du tout au rien, du rien au tout, et le soleil est d’ores et déjà revenu au moment où l’on se met en branle.

Hier soir, en arrivant au Nordkapp Vandrerhjem Hostel, en discutant à l’accueil, Ela nous a fait savoir que le ticket que nous avions payé la veille au Cap Nord, est valable 24h. Après avoir un peu pris notre temps, on décide d’aller vérifier l’information à l’office du tourisme situé sur le port. On en profite au passage pour se ravitailler en matières premières, bières locales et surtout Skolebrød, dont nous sommes rapidement devenus accros.

 

L’office du tourisme étant fermé, on sirote tranquillement nos cafés, en se faisant dorer la pilule au soleil tout en détaillant l’arrivée du Nordnorge, l’Hurtigruten de 11h.

 

Renseignements pris, et surtout confirmation nous est donnée que nous pouvons bien tenter de suivre de nouveau le convoi, sans avoir à payer de nouveau l’arrivée au Nordkapp. Comme on ne savait pas trop quoi faire ce matin, et qu’on reste un peu sur notre faim d’hier, on décide de reprendre la route, direction le convoi de 12h.

 

La tempête de neige tombée ce matin, a redessiné les reliefs, les rendant plus doux, plus bombés, plus incertains.

 

Bis repetita donc, l’attente de quelques minutes, on laisse passer les bus – Buses first ! – et le temps de discuter rapidement avec la dame du convoi, nous voilà repartis pour le même trajet que la veille. Rien n’a vraiment changé, sinon que ça nous paraît plus rapide que la veille.

 

Une fois arrivés là-haut, le vent est toujours aussi violent, charriant la neige par paquets, mais ne se faisant pas envoler les grappes de touristes en goguette de nationalités aussi diverses que variées.

 

Nous, cette fois-ci, on file dans les entrailles du Cap Nord, se posant pour le visionnage du petit film de présentation, qui comme je le constate, a bien changé depuis que je l’ai vu en 2001.

 

Des plans au drone, une belle réalisation, qui donne un aperçu de l’ensemble de l’île de Magerøya, avec des plans sur Kamøvær et Gjesvær notamment. Un beau petit film d’une quinzaine de minutes environ qui se laisse regarder sans rechigner.

 

Nous continuons notre petite expédition, en descendant le long couloir, dont ma mémoire m’envoie quelques souvenirs pas si lointains. Dans les vitrines de diomara, l’histoire de la première découverte du Cap Nord est relatée,  avec ses premiers illustres visiteurs – un prêtre italien, premier touriste, un roi du Siam et notre bon vieux Louis-Philippe – ainsi que la fameuse visite du roi de Norvège-Suède.

Les dioramas sont assez bien fichus – qui a mis un canard en plastique dans la mer ! – les explications claires et on se laisse aller à imaginer comme il devait être compliqué d’escalader la roche avant que n’ouvre le premier semblant de route en 1956.

 

Au fond, ne nous le cachons pas, il n’y a pas grand-chose à voir et à faire, les explications sont certes intéressantes, mais le spectacle de son et lumière me laisse légèrement dubitatif. J’ai parfois l’impression que le Nordkapp a des allures de Santa Park à Rovaniemi. Un bon vieil attrape-touristes dans lequel on se sent toutefois obligé de faire un tour, ne serait-ce que pour le symbole.

Le temps de remonter, de traîner dans la boutique de souvenirsJuste pour voir ! – d’où l’on ressort allégés de quelques euros uniquement du fait de notre achat massif, voir compulsif de cartes postales et on se refait un petit tour dehors, quand même, juste pour voir.

Je laisse voguer mon regard vers l’horizon, me demandant ce qu’il y a après, ayant des envies d’ailleurs, d’encore plus loin pour repousser les limites de l’être humain et du touriste que je suis.

Nous avions pour plan, avant de remonter au Nordkapp, d’aller explorer l’unique port de la côte ouest de Magerøya, à savoir Gjesvær. Ce petit village de pêcheurs du bout du monde, c’est l’oublié de la route du Cap Nord. Relié à la route principale depuis les années 70, les gens passent à côté sans même en voir le panneau, filant trop vite vers le globe du Nordkapp.

 

Bien mal leur prend et grand bien pour nous. La route solitaire qui y mène est pour nous l’une des plus belles que nous avons empruntées jusqu’alors. Nous sommes toujours sur Magerøya et pourtant les paysages semblent totalement différents du Cap Nord en lui-même.

Même la lumière est différente, on distingue au loin, au-dessus des montagnes sur notre gauche, un sombre nuage, tandis qu’à droite c’est tout le contraire, on sent bien que le soleil ayant quitté sa position zénithale, amorce son coucher, tout doucement, comme dirait la chanson.

Arrivés sur les hauteurs du port, on discerne un petit débord qui mène à un fjord esseulé mais si bien protégé qu’on se demande pourquoi des habitations ne s’y sont pas réfugiées. On se pose là, histoire de casser la graine. Dehors la lumière est magique, sublime, une beauté. Les tons sont un bordel de plein de couleurs.

 

C’est contradictoire, antinomique, le soleil combat les nuages sombres, le tout sous les cris des oiseaux, puisque les alentours, et en particulier le chapelet d’îles des Stappan sont des zones de nidification des macareux, cormorans, guillemots et autre fulmars.

 

Le dégradé du soleil couchant et tirant sur les tons pastel, nous laisse sans voix. La lumière est parfaitement parfaite, c’est doux, c’est beau. Vraiment les lumières hivernales du Nord sont parmi les plus belles.

On a un peu de mal à se détacher du paysage, mais au bout d’un moment, on commence à se cailler dans la voiture, alors on se lance le défi de trouver un petit café à Gjesvær.

 

En été, le village fait son beurre sur les sorties en bateau pour l’observation des oiseaux. En hiver, Gjesvær est un petit port esseulé comme un autre, qui survit grâce à son activité de pêche.

Au bout d’un moment, comme un cadeau tombé du ciel, nous débarquons dans la boutique fourre-tout, à la fois poste, café, supermarché, banque. Au fond, dans une petite salle cosy, quelques tables et quelques chaises, dans une pièce toute de bois vêtue, trône un petit buffet avec une cafetière, quelques cacahuètes, et une tirelire pour payer.

 

Rajoutez à ça, des bibliothèques qui dégueulent de bouquins – de Jø Nesbø à Jussi Alder Ølsen – d’antiques boîtes de morues en émail, écrites en portugais mais parlant de la Norvège, une vieille carte de l’Europe. On aura remarqué beaucoup de cartes anciennes à Magerøya, tant dans les lieux, que comme ici, affichées sur les murs des maisons. Rajoutez le sourire de la caissière et vous obtenez un bien bel endroit où il fait bon s’y poser quelques instants pour s’y réchauffer.

 

Ragaillardis par la lumière époustouflante de beauté, le rose qui s’étire au loin, et le noir charbonneux qui semble bouffer le ciel à grandes dents, nous découvrons un paysage propice à déambuler dans les petites artères du village.

 

Du port aux petites maisons de couleurs, jetées ça et là au hasard sur les grèves et vous obtenez un village tellement rempli de charme, où l’on s’y imaginerait bien vivre, ou y couler une retraite hivernale de temps à autre. Gjesvær est surtout connu pour ses tempêtes assez violentes, se prenant de plein fouet les vents de la Mer de Norvège.

À voir la carcasse de cet arbre – visiblement posée ici pour un film et qui semble être devenue un emblème du village – ce n’est pas trop difficile à croire.

Le soleil à définitivement tiré sa révérence, et c’est le noir des nuages qui semble avoir gagné la bataille. Ça tombe plutôt bien, parce que ces nuages gris-bleu sont mes préférés, ce sont eux qui font ressortir toutes les couleurs, et surtout le blanc de la neige qui lui-même met en exergue la beauté des maisons, du bois meurtri par les vents et le sel.

 

Même l’eau, verte, noire, bleue, huileuse, semble garder en mémoire tous les stigmates des tempêtes passées.

Nous quittons Gjesvær avec un sentiment étrange, mélange de regret et la joie d’avoir découvert un joyau à côté duquel beaucoup de monde passe, surtout quand on a la chance de le découvrir avec une lumière de ce type.

 

Sur le chemin, les nuages noirs nous accompagnent dans le rétroviseur, tandis que nous rejoignons la route principale. C’est sous les bourrasques de vent et à travers les montagnes de neige qu’elles charrient que nous rejoignons Honningsvåg.

En quelques minutes à peine, le ciel se bouche, la neige se met à tomber avec force et fracas, recouvrant nos pas et la voiture en quelques instants. Ça semble râpé pour une sortie nocturne ce soir.

 

Alors nous nous consolons en cuisinant un plat maison, en écrivant les cartes postales, et en dégustant une excellente bière du sud de la Norvège, une Sør Lyst, sorte de Corona locale.

À la vue des prévisions, on tente tout de même une petite percée, remontant la fameux col – beaucoup plus calme et moins tempétueux – et on file sur la route de Gjesvær d’où l’on a repéré un emplacement bien dégagé.

 

Malheureusement, ici le vent s’est calmé, il peut être un allié surtout lorsqu’on en a besoin pour repousser les nuages qui s’accrochent au-dessus de la toundra.

On reste là quelques minutes, peut-être une demi-heure, rien dans le ciel de discernable à l’œil nu, à peine quelques fins rubans à l’appareil photo. On tente encore un peu et on file sur le retour, en direction de la maison, où il se remet à neiger.