Contrairement à la veille, c’est sous un beau soleil que Honningsvåg se lève, mais comme on l’a appris, il ne faut pas prendre la météo pour argent comptant loin de là, et cette journée, nous le démontrera à nouveau.
La nuit a été un peu plus compliquée que prévu, quand tout le système de chauffage de l’auberge de jeunesse est tombé en carafe au beau milieu de la nuit. On commence à remballer notre paquetage, on file au petit-déjeuner où l’on prend le temps de reprendre des forces.
Et c’est lorsque le temps commence à virer que nous reprenons la route. Sur le papier, nous devons embarquer sur l’Hurtigruten de 11h qui est censé quitter le port à 14h45.
On déambule dans la ville, au pied du sémaphore, au loin, le soleil pulse tout en jouant à cache-cache avec les nuages, ce qui n’empêche pas les oiseaux – cormorans et mouettes en majorité – de piailler et de s’en donner à grand cœur.
On remonte cette partie du port appelée Klubben en direction de l’église, unique bâtiment ayant survécu aux bombardements de l’armée allemande en 1944. Comme beaucoup de villes de Scandinavie, où l’architecture vous paraîtra moderne, n’oubliez jamais qu’en partant les Allemands ce sont donner pour mission de tout raser, comme à Narvik, comme Tromsø et ailleurs encore.
Nous errons dans la ville, le temps de passer un coup de fil aux parents pour qu’ils tentent de nous apercevoir sur la webcam de la ville – Oui c’est bien nous tout en haut, pull jaune et pantalon rouge – et retournons en arrière faire un petit ravitaillement.
Nous poussons aussi jusqu’à la banque. Oui à la banque. Si vous voulez une explication la voici. Depuis le début de nos voyages, dans chaque région, chaque ville où on nous passons, nous essayons toujours de trouver pour le frère de Cécile, une écharpe du club de foot – ou au moins sportif – de la ville ou de la région. Ici à Honningsvåg le club est relégué dans des divisions mineures.
Et après avoir essayé la boutique de sport de la ville, le vendeur nous renvoie vers la banque, sponsor du club. C’est bien la première fois que ça nous arrive !
Après quelques palabres et explications, le banquier nous demande de revenir à 14h, il aura une écharpe pour nous.
On reviendra à cette heure-ci, il sera tout fier de nous donner l’écharpe, de faire une photo pour la poster sur la page Facebook du club, avec nos noms et notre pays de provenance.
PS : En fait nous nous rendrons compte à notre retour, qu’il n’a jamais posté la photo sur Facebook.
Nous reprenons donc nos déambulations, cassons une graine – un petit Pølse – revenons en arrière, quand soudain, avec tout juste une heure de retard, le M/S Trollfjord pointe le bout de son nez rouge sous une neige abondante.
On commence à faire le calcul dans notre tête, s’il a une heure de retard, le temps qu’il emmène les gens au Cap Nord…il aura donc une heure de retard au départ.
On a par contre absolument aucune idée de la manière dont ça se passe pour embarquer la voiture. Tout ce que l’on constate c’est le lâcher de touristes dans la ville, par grappes, par groupes, de nationalité aussi diverses que variées.
Les ferrys, on commence à en avoir l’habitude, mais là, l’on sent bien que les voitures ne sont pas légions. Du coup, on rentre à l’intérieur, on s’explique, je vous passe les détails, mais ils nous faut embarquer par le côté, attendre que quelqu’un vienne, pour ensuite se garer dans la soute à marchandises, là où sont entreposées les palettes, les chargements qui sont déposés dans chaque port.
Cela va sans dire, nous sommes les seuls à faire ça. Après avoir placé un autocollant, déposé les clés, engagé le frein à main, passé la première, nous laissons la voiture et nos affaires ici, et repartons à l’assaut des ponts supérieurs.
En fait le retard accumulé par l’Hurtigruten semble plus important que prévu, c’est pourquoi après avoir rapidement fait un tour, nous repartons déambuler dans la ville pour la énième fois, histoire de passer le temps.
Nous profitons de ce qui semble être le vieux Honningsvåg. D’anciennes maisons à galeries, en vieux bois blancs élimé par les ans servent visiblement de base arrière pour des pêcheurs que nous observons en plein travail.
Nous laissons filer comme ça une bonne grosse demi-heure, faisons machine arrière, remontons dans l’Hurtigruten et continuons notre exploration des différents ponts.
Dehors, la tempête de neige reprends de plus belle, à l’intérieur les decks sont surchauffés – et encore c’est un euphémisme – un coup à vous casser un homme fatigué.
On squatte un peu, on explore, on aimerait bien poster quelques photos, se connecter au wi-fi, mais on oublie vite l’idée lorsqu’on se rend compte que celui-ci est payant – 50 NOK par jour – et on comate, alternant des sorties dans la tempête et en louchant promptement sur les deux jacuzzis accessibles sur le Sun Deck. Si seulement on avait pris nos maillots !
J’en profite pour me faire immortaliser pour la deuxième fois de la journée par la webcam de la ville. Il faut plisser les yeux, mais c’est bien moi, habillé en noir, que l’on aperçoit juste à coté du panneau Trollfjord.
Puis rentrons à l’intérieur, découvrons le mur des revues de presse du monde entier. Il est bon d’être un peu coupés du monde, surtout à la vue de l’actualité en France. On termine par se poser quelques instants dans la bibliothèque où clairement, les ouvrages en français sont quasi inexistants face à ceux en anglais, en italien ou même en japonais. On imagine quelques instants se lancer dans un Scrabble mais pour le moment on se contente de regarder au travers des fenêtres pour profiter du balai du remorqueur, attendant que le temps passe et que le départ s’amorce.
Au bout d’un moment, au cœur de la tempête, le bateau s’ébroue, la visibilité est quasi nulle, et ça souffle comme pas deux. J’aime les tempêtes mais la perspective de l’affronter sur un rafiot me laisse un peu fébrile.
Car oui, je l’ai déjà répété maintes et maintes fois, je n’ai pas le pied marin, à mon grand regret. Et la Mer du Nord autant que celle de Barents, ne sont pas spécialement réputées pour être des mers calmes, du coup, j’ai un peu les fesses qui font bravo et les intestins qui font du yo-yo.
Au bout d’une vingtaine de minutes, je commence à être fébrile, la chaleur et la fatigue aidant, je tente de fermer les yeux pour faire passer la gîte et les creux de la mer.
J’émerge à quelques kilomètres de Køllefjord, apercevant au loin, se découpant dans la nuit, les pointes acérées de Finnkirka.
Je profite de ce que le bateau ralentisse, pour me remettre à écrire, hormis ça, les creux sont tellement importants que mon corps refuse de fonctionner et je me love en position fœtale ou presque, ne ressemblant à rien sur mon fauteuil mais en essayant tout de même de garder un certain semblant de dignité.
À Kjøllefjord, l’arrêt est court, comme visiblement tous les autres arrêts hors arrêts touristiques. On se croirait dans un train, quand les arrêts sans correspondance semblent ne durer que 2 minutes.
À peine le temps de décharger une ou deux personnes, de décharger des paquets, des colis – ici en l’occurrence des pneus – d’embarquer deux voitures et des colis qui traînent sur le quai et nous voilà déjà repartis.
La réflexion nous vient à l’esprit que l’Hurtigruten est quand même bizarre, ce mélange entre le ferry classique – dans le sens bateau-bus – et le bateau de croisière est assez étrange. Une grande majorité des villes ne sont que des étapes techniques ou des arrêts pour les locaux, tandis que le bateau se compose à plus de 90% de touristes uniquement intéressés par les attractions et les paysages. J’en veux pour preuve que le bateau qui quitte Honningsvåg à 11h n’a pour point d’intérêt final que Kirkenes, entre-temps les 4 ou 5 ports d’escales se font de nuit, sans perturber les navigants.
L’air vivifiant de l’extérieur me fait reprendre quelques couleurs, mais ça ne va pas durer. Le passage de Køllefjord à Mehamn est pire que le premier bout de traversée, les creux sont encore plus importants, tout comme la gîte, je ne peux littéralement rien avaler.
On avise le conseil d’un local qui nous dit qu’on serait mieux au Deck 5 et qu’ici au Deck 8 – l’avant dernier – la gîte est plus important. Comment ne pas y avoir pensé plus tôt ?
On trouve un coin où se poser pour avaler les deux dernières heures, les chaises sont moins confortables mais au moins le tangage semble plus tolérable. Au bout d’un moment le bateau ralentit, on voit au loin les lumières de Mehamn, mais à peine a-t-on le temps d’aller se rafraichir, que déjà l’annonce se fait de l’arrivée imminente.
Ni une, ni deux, on saute sur nos fringues, on se rhabille, on cherche l’accès au Car Deck, on descend quatre à quatre les marches et voilà que notre carrosse est avancé. La neige récoltée à Honningsvåg a fondu sur la voiture, les 14°c à l’intérieur du Car Deck y sont sûrement pour quelque chose.
Nous attendons donc dans le local technique, la remise du MS Trollfjord, puis nous nous glissons dans un ascenseur à voiture qui nous remonte au niveau du quai. Tous les quais du parcours ne sont pas à la même hauteur et pour décharger les marchandises le bateau doit s’adapter.
C’est une tempête de neige en grain de sucre glace qui nous accueille. Vu comme ça Mehamn à l’air presque hostile, tant le vent fait rage, l’activité est inerte et les routes recouvertes de poudreuse.
Je prends le temps de retrouver la terre ferme et le vent revigorant et nous voilà en train de faire le tour du fjord pour trouver notre hébergement de l’autre côté, par une route longeant la grève, recouverte de congère de 40 cm d’épaisseur de poudreuse dans lesquelles je vire, et nous voyons la lumière au bout.
Nous voilà arrivés à Mehamn, notre point de chute pour ce soir. Pas la peine de regarder le ciel, celui-ci est bouché, l’homme qui viendra nous encaisser nous le confirmera qu’hier et avant-hier étaient de belles soirées à aurores. Mais nous, nous étions coincés par la tempête à Honningsvåg.
Demain, une très longue étape nous attend, beaucoup de kilomètres. Ecrasés par la fatigue, nous nous écroulons.
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