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Podcast de voyage

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Ce matin les yeux collent, la veillée de la veille associée à la routine du voyage, le tout s’accumule dans un quota de fatigue que j’ai du mal à solder. Dehors, le soleil se lève sur Karasjok annonçant une belle journée.

 

Nous quittons donc notre domicile temporaire, dehors le nez frisotte ce qui ne laisse aucun doute, ça pince. En effet le thermomètre annonce un petit -25°c au réveil, autant vous dire que ça vous réveille les sens, et pas que.

 

Mais le revers de la médaille c’est qu’il faut gratter, gratter et encore gratter le pare-brise qui a accumulé un bon paquet de glace. À cela se rajoute un petit tracas, il semble que la voiture n’a pas aimé la nuit fraîche puisque les capteurs de pression des pneus indiquent un soucis sur les deux roues avant.

 

De toute façon, on a prévu de passer à la station-service pour un petit café et deux ou trois pâtisseries, mais comprenez nous, il y a une promo en ce moment – ce sera donc l’occasion de poser la question.

 

Nous avalons le salvateur breuvage et je pose la question au pompiste qui me dit que c’est normal, pas de raison de s’affoler c’est bien la sonde qui déconne avec le froid. Le problème nous accompagnera toute la journée, le voyant clignotant tout au long de la route. Mais je pourrais constater que les indices de pression remonteront toute la journée pour se stabiliser enfin, mais sans que le voyant ne s’éteigne.

 

Si les premiers kilomètres de la route 92 qui sort de Karasjok pour nous emmener en direction de Kautokeino ne sont pas exceptionnels, c’est au bout d’une vingtaine de minute que sa beauté se révèle. Sous ce soleil magnifique nous avons devant nous la définition même de la taïga, de ce que les samis appellent le Viddà.

Cette immensité de montagnes, de marais, de lacs, de paysages à perte de vue, de nature sans fin, d’un monde qui paraît à nos yeux presque vierge et inexploré. Rajouté à cela, le soleil qui réchauffe un tantinet les -27°c, plus cette multitude de bouleaux givrés et vous obtenez un paysage qui laisse sans voix.

Ce qui tombe plutôt bien, vu le silence qui y règne. Ce silence assourdissant, propre à ces régions de grand rien, de grand froid, de grand tout. Un silence qu’on n’entend plus en tant que citadin.

Parfois nous traversons des nuages de glace qui tombent du ciel, brouillant l’horizon, brouillant le soleil, et donnant à voir un spectacle magique, mais malheureusement la route ne nous laisse aucune possibilité de nous arrêter à ce moment là pour profiter du spectacle.

 

Nous arrivons à Gievdeneguoika, croisement de la route qui remonte vers Alta, et descend sur Kautokeino puis Enontekiö en Finlande. Il est l’heure de manger, et on nous a parlé d’une cascade sur la route d’Alta, à peine quelques dizaines de kilomètres plus au nord.

 

Un parking nous attend au pied de Pikefossen, enfin au pied on ne sait pas trop, on entend uniquement son tumulte sans trop savoir où elle se trouve. On repère bien un semblant de chemin avec d’anciennes traces qui s’enfoncent dans la neige, on se dit qu’il y a de grandes chances que ce soit ici.

 

Avant de s’y attaquer, on décide de manger et d’emmagasiner de la chaleur. Le thermomètre est certes remonté à -12/-14°c, il n’en reste pas moins qu’il mord légèrement.

 

Une fois nos casse-dalles avalés, nous nous équipons pour tenter le chemin. Les traces semblent relativement fraiches, peut-être de la veille. Elles nous donnent une indication du chemin à prendre.

On reconnaît qu’en temps normal, ce doit être dégagé, sans doute même une deuxième partie qui s’enfonce, pour mener jusqu’à des tables de pique-niques qui semblent totalement indisponibles avec leur mètre cinquante de poudreuse qui les recouvrent.

 

C’est dingue de se dire et de constater à quel point les paysages changent du tout au tout en l’espace d’une ou deux saisons, que les matériaux, les éléments se mangent des variations de températures à faire pâlir un météorologue sans même broncher, parce que c’est comme ça.

En à peine 5 minutes – ce qui doit, l’été, prendre environ 1 minute – nous arrivons à ce qui semble être le point de vue sur Pikefossen. La cascade semble se diviser en trois parties. À gauche, elle est presque entièrement gelée dans un bloc monstrueux de stalactites, tandis qu’au milieu elle est âprement tumultueuse, bouillonnante. Et pour terminer, la partie la plus à droite, elle est presque normal, un bon débit, sans glace, une cascade.

Cette cascade à une histoire et une légende ancienne. Selon cette dernière le nom proviendrait d’une fille qui s’occupait d’un troupeau de rennes alors que les propriétaires étaient absents. Alors que la fille traversait la glace juste au-dessus de la cascade Pike, la glace se rompit emportant tout le troupeau.

 

Lorsque les propriétaires revinrent et prirent connaissance de la disparition de leur troupeau, pris de colère, ils emmenèrent et jetèrent la fille dans la cascade. On dit que ceux qui passent la nuit près de la cascade peuvent encore entendre les cris de la petite fille.

Machine arrière toute et nous voilà de nouveau sur le parking de départ. La balade n’a certes pas pris beaucoup de temps, mais marcher dans la poudreuse, s’enfoncer jusqu’au genoux, ça casse, ça fait palpiter, ça fatigue.

 

La route reprend son chemin, et nous retournons sur nos pas, sur l’axe Alta-Kautokeino. Nous croisons beaucoup de voitures, des grosses voitures même, la grande majorité avec des coffres à ski. On ne sait pas trop, c’est soit la fin des vacances, soit les cadres CSP+ d’Alta qui viennent s’enjailler sur les pistes durant les week-ends, poussant même jusqu’aux stations beaucoup moins chères de Finlande.

Quoi qu’il en soit la route est passante et a un air de retour de vacances mais qu’on prendrait à contre sens, comme si on remontait le courant alors qu’eux le descendait. Ce qui donne sur le parking de la station-service à l’entrée de Kautokeino un monde assez impressionnant, de camions, de gros SUV allemands, d’enfants bien propre sur eux. Tout ça se croisant ici à Kautokeino, centre névralgique, culturelle, artistique, linguistique de la culture samis.

 

Kautokeino dans mon imaginaire était plus petit, plus intimiste peut-être aussi moins bordélique. On se fait le tour de la ville pour confirmer ce que l’on sait déjà, à savoir que les boutiques, les musées tout ça tourne au ralenti, voir est carrément fermé en hiver. On le sait à chaque fois, mais bêtement, je me dis qu’avec tout le foin que font les offices de tourisme sur la Norvège en hiver, etc… l’industrie touristique devrait se mettre au diapason, ou peut-être que ça n’intéresse pas assez de monde, surtout à cette période de l’année.

 

Du coup, comme souvent, nous nous rabattons sur l’église, qui trône au milieu d’une petite colline, avec son toit noir et rouge qui n’est pas sans rappeler celle de Kiruna. Fermée elle aussi, nous commençons à nous avancer dans les travées du cimetière pour faire marche arrière à la vue d’une famille venue ici pour se recueillir.

Nous avons un peu de temps à tuer, nous nous mettons donc en quête d’une route qui s’enfonce en vue d’une éventuelle sortie pour les aurores. Après avoir regarder la carte et la topologie de la ville nous jetons notre dévolu sur la route de Aksomuotki qui longe la rivière Guovdageaineatnu. Au loin par dessus les montagnes nous voyons le soleil se coucher.

 

Au bout de quelques kilomètres nous trouvons un petit débord, juste avant un pont, pile en face du soleil, dans la continuité de la rivière. Les nuages créent une masse, comme un voile ou plutôt une grosse couette à plumes dans le ciel, laissant parfois entrevoir des morceaux de ciel bleu, et au loin le disque solaire balance la sauce.

 

Sauf que voilà, ce genre de coucher de soleil, c’est souvent très beau à regarder à l’œil nu – surtout lorsque l’on discerne les rayons traverser les nuages – mais ça ne donne absolument rien en photo.

Nous poussons tout de même jusqu’à la fin de la route et rebroussons chemin en direction de notre hébergement.

 

Manque de pot pour nous, ils sont en pleine rénovation, et après avoir été à la réception, déplacée dans la maison des propriétaires – magnifiques photos de mariage same accrochées au mur, sans doute des années 30 ou 40, plus des photos de familles sublimes – nous prenons possession de notre chalet.

 

Bon soyons honnêtes, il n’y a pas de poêle, les chauffages n’ont pas été allumés et seul le meuble de la salle de bain date du 21e siècle. Le reste est à l’ancienne, ce qui ne nous dérange pas du tout, mais nous peinons grandement à faire réchauffer notre dernier espace de vie sur la route du Finnmark.

Finalement écrasés par la fatigue, devant un indice d’aurores très faiblard (0.33kp) et une couverture nuageuse bien décidée à recouvrir Kautokeino de son épais manteau, nous décidons de ne pas sortir. On hésite pas mal, nous avons une amie, Céline de JePapote qui habite à quelques kilomètres de là, côté finlandais vers Enontekiö et ça aurait été cool de la voir.

 

Mais avec un wi-fi exotique, difficile de communiquer, et personnellement, la fatigue m’écrase de tout son poids, je ne suis pas sûr que ça aurait été raisonnable de prendre la route pour 120 kms aller-retour.

 

Nous remettons la décision à demain et partons nous écraser dans notre lit bateau tout droit sortie des années 70.

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