Le jour se lève en même temps que nous. On ouvre les rideaux, face à nous, on découvre la campagne irlandaise dans tout ce qu’elle a de plus cliché. Des champs vallonnés verts à perte de vue, et à droite les premières montagnes des Macgillycuddy’s Reeks, entre les deux le soleil qui doucement se lève et inonde les champs d’une lueur orange et rose. Mais comment on l’a apprit hier, ici, le temps ne dure jamais très longtemps.
Avant le petit déjeuner, on sort prendre l’air. Derrière nous, au dessus du B’n’B, des nuages chargés de pluie, avancent d’un pas déterminé au dessus des vaches qui, indifférentes, continuent de paître.
A peine le temps de rentrer que la pluie se met à tomber à verses, on se rentre à l’intérieur alors que dehors les nuages et le soleil se font face pour notre plus grand plaisir.
Eileen nous arrache au spectacle en nous prévenant que notre petit déjeuner est prêt.
C’est un petit déjeuner « with view » qui nous attend. Face à notre table, une vue plongeante sur le Gap of Dunloe. On peut vraiment dire qu’on est gâtés. On regarde les nuages de pluie, les lueurs qui changent, le tout en dégustant un porridge maison, saupoudré de cannelle, un vrai régal.
A peine le temps de terminer, que le petit déjeuner continue avec une assiette « so british » ou plutôt « so irish » : œuf sur le plat, pain toasté, bacon excellent, et saucisses, histoire de bien nous blinder l’estomac avant la sortie à venir.
Le temps de payer et de recevoir quelques « hugs » de la part d’Eileen, dehors le temps le ciel s’assombrit, c’est reparti à la pluie, le tout agrémenté d’un double arc-en-ciel. On quitte notre hôte après qu’elle nous ai souhaité d’avoir un temps ensoleillé pour notre journée.
Comme elle nous l’a conseillé, on reprend la voiture, histoire d’aller randonner du côté du Gap of Dunloe. On attaque le chemin en refusant les assauts, presque trop insistants, des conducteurs de carrioles, qui, l’été, ont l’habitude de balader les touristes sur les routes du Gap of Dunloe. A 30 euros la promenade par personne, on préfère de loin marcher. On refuse poliment au moins 5 fois, afin qu’enfin on puisse attaquer la route en toute sérénité.
Passée une petite montée, on laisse les quelques dernières maisons derrière nous, pour enfin rentrer dans le vif du sujet. Face à nous s’ouvrent les bien nommées Purple Moutains. C’est un festival de couleurs, la plus belle palette de tons automnaux.
Du rouge, du pourpre, du marron, du jaune, du orange. Autour de nous, les paysages sont gorgés d’eau, quelques petites cascades, les flaques d’eau ont des airs de mini lacs, le tout sous un ciel argenté qui peine quand même à délaisser les nuages au profit d’un franc soleil. Mais on y croit, on pense au fond de nous que le soleil va gagner ce combat incessant.
On aperçoit notre premier lac, qui a des allures de marais, avec ses grands plants d’herbes touffus et ses joncs…et sa baignoire abandonnée servant sans doute d’auge.
Le chemin serpente et nous avec, surtout entre les flaques d’eau. Au loin, on aperçoit notre premier « view point », un vieux pont en pierre que j’avais déjà repéré sur internet, sur quelques sites de photos. Sous le pont une cascade part de l’Upper Lake et vient se mourir dans le marais, et dans les tourbières.
On prend notre pied face à ce paysage magnifique, surtout avec le soleil qui semble cette fois-ci bien installé. Les reflets, sur les pierres mouillées, sur les rivières, les cascades, tout ça donne à voir des tons argentés, des reflets de mercure qui semblent contraster à merveille avec les couleurs brunes et chaudes de la lande environnante. Et que dire du vert qui vient terminer le tableau.
On peut dire qu’on a devant nous le type de paysages qu’on est venu chercher. On se pose quelques instants sur le pont, face au soleil, et on reprend la route longeant le lac.
Les berges vert pomme ont des allures de rizières. Au loin la face impressionnante du Gap of Dunloe, semble dominer ces paysages multicolores.
En plus, le soleil vient lécher les crêtes, magnifiant ces dernières. Par un subtil jeu d’ombre et de lumière, les lignes vives des arrêtes ressortent et accentuent l’allure magistrale de ce gros bloc de pierre.
On prend le chemin du retour sous un soleil plus que réchauffant, on continue de s’émerveiller devant la beauté des paysages qui moi me rappelle l’Ecosse ou même le Pays Basque par ses couleurs, ses formes, ses montagnes.
On croise quelques personnes, un père de famille qui se balade avec une poussette et son chien galopant à ses côtés.
Pendant ce temps un petit vieux promène ses chevaux de trait, tout le monde nous salue d’un « How are you ? » à la place d’un simple « Hello » ou d’un « Morning ».
Le retour se fait au même rythme que les chevaux, qui grimpent les rochers parfois à la limite de la glissade. On est bien face à ces paysages de toute beauté. On ne presse pas le pas, d’autant que contrairement à ce matin, ça y est, le soleil est bel et bien là.
On décide de repartir sur Killarney, histoire de faire quelques courses utiles, et puis on se paume dans les rues de Killarney. Mauvais rond-point, plus de panneaux, demi tour, puis de nouveau des ronds-points, et puis non c’est pas là, « essaye à gauche », « mais on est déjà passé par ici ?« .
Pour être honnête un met un certain temps pour trouver la direction du Ross Castle au pied du Lough Leane où on a décidé de casser la graine.
Sa tour carrée fortifiée domine le Lough depuis le 15ème siècle. Epoque à laquelle il était le fief du clan O’Donoghue Ross.
De nouveau le ciel est argenté, les canards barbotent, les mouettes font les folles en s’amusant avec le vent, et nous après quelques photos de rigueur, on choisit de se poser sur le petit banc sous un arbre face au Lac.
A peine le temps de déballer les sandwichs que la grêle se met à tomber. Ni une, ni deux, on remballe le tout et on se met à courir à la voiture…mais comme on l’a remarqué hier, le temps se dégrade aussi vite qu’il repart. Pas grave, on continuera dans la voiture.
Comme on a quand même peu de kilomètres entre nos étapes, on décide de couper par les chemins de traverse, on a repéré quelques petites routes qu’on débute sous une pluie battante à faire pâlir un breton (ou un normand), mais il faut savoir que les Irlandais sont très avares en panneau de signalisation.
Ne sachant pas vraiment si nous sommes sur la bonne route, on continue quand même, avec pour seule indication le Carrauntoohil.
Sauf que voilà, la plus grande montagne d’Irlande a beau nous dominer de toute sa hauteur – 1038m -, ce n’est pas censé être vraiment notre direction, mais on continue tout de même le chemin, en gardant en tête qu’on finira bien par retomber sur un panneau, ou au pire sur nos pas…
Enfin, un carrefour nous remet sur le bon chemin et les kilomètres déroulent jusqu’à Killorglin, petite bourgade avec un peu de charme, qui nous fait notre pause goûter, et nous permet de déguster un Mince Pastry, spécialité irlandaise, sorte de petit roulé aux épices.
On ne s’attarde pas trop et on garde le reste du goûter, pour aller filer sur Cromane. Après ces quelques jours, on n’a qu’une seule idée en tête, voir la mer. Sur la carte Cromane semble être posé sur une langue de terre.
On trouve notre chemin, et on descend se garer le long d’un talus de cailloux. En face, la péninsule du Dingle nous fait front, à notre gauche, un spectacle magique. Une longue plage de galets, et au bout la mer, et un soleil magnifique, insistant, flamboyant, bien calé entre ces quelques nuages.
Même si le soleil rayonne, il ne nous réchauffe pas pour autant. Le vent souffle, il est glacé, et semble ne faire qu’un avec l’humidité ambiante.
Le temps de regarder ailleurs, de se poser la question si la mer monte, et va nous coincer, le ciel a déjà changé. Les nuages sont revenus, ne laissant percer qu’un rai de lumière qui illumine les petits îlots de la Dingle Bay. Le spectacle est divin. On ne s’attarde pas, car on aimerait avoir encore de la lumière pour notre prochain arrêt du côté de Glenbeigh.
Un peu comme pour le pont du Gap of Dunloe, j’ai repéré un chouette spot photo sur la plage de Rossbeigh dans la crique du même nom. Après quelques petites routes, on arrive enfin dans la crique. On se gare sur une dune de galet, on sort et là c’est la gifle. Le vent souffle avec une force extrême, faisant claquer les portes de la voiture, et presque envoler mon manteau.
Cela n’empêche pas quelques courageux de se promener, et deux petits vieux de pêcher. On tente le coup, au loin on aperçoit notre but. On s’avance sur la longue plage de sable, ne sachant toujours pas si la marée est montante ou descendante.
On admire la vue, les reflets du soleil couchant, des nuages dans le sable encore humide. Encore une fois le spectacle est magique, magnifique et tous les éléments semblent être réunis rien que pour nous faire plaisir.
On continue notre chemin, apercevant au loin une mouette qui semble plus occupée que les autres. Par curiosité on s’approche, histoire d’essayer de comprendre ce qu’elle fabrique, et très vite on comprend qu’elle est occupée sur une carcasse. En s’approchant un peu plus, on voit très vite que c’est sur celle d’un phoque échoué sur la plage.
On la laisse à son diner, pour arriver enfin à notre destination. Le vent nous abrutit, le froid nous fait rougir les oreilles, mais nous voilà au pied de la carcasse que j’ai tant vu sur quelques sites de photo sur internet. Cette épave est bien connue des photographes de passage dans la région.
Là voilà tout à nous, enfoncée dans sa flaque d’eau faisant refléter le ciel et mettant en valeur ses formes. Il n’en reste que la structure extérieure, et le gouvernail. L’intérieur est rempli de cailloux et une rigole continue sans cesse d’alimenter la flaque qui l’entoure.
En tournant autour et en la prenant sous toutes ses coutures, on se demande quelle est son histoire. On l’apprendra en rentrant, en tombant sur un site irlandais qui répertorie toutes les carcasses de bateaux dans le pays.
Cette goélette s’appelle Sunbeam. D’origine anglaise, elle date de 1860, elle s’est échouée sur la plage de Rossbeigh un jour de Janvier 1903 lorsqu’elle faisait route entre Kinvara et Cork, suite à une grosse tempête.
Au loin le soleil est déjà caché derrière les montagnes et les nuages. On prend le chemin du retour, toujours sous les assauts du vent, ce qui n’empêche pas la lumière d’être toujours aussi belle. Cette dernière donne au sable humide l’impression d’un miroir.
On grimpe de nouveau la dune, et face à la mer on prend un thé bien chaud et bien réconfortant, le tout accompagné de shortbreads.
Le temps de tout sortir, on se rend compte que face à nous, la plage sur laquelle on marchait il y a 10 minutes à peine est, par endroits, entièrement recouverte par des petites vaguelettes.
Autant dire que le timing était parfait, et qu’on a rebroussé chemin juste à temps ! Le soleil n’est déjà plus, alors on reprend la route vers notre hébergement. La nuit n’aidant en rien, on passera plusieurs fois devant sans le voir.
L’occasion de constater qu’hors saison, la région vivote et n’a rien à voir avec l’affluence massive qu’elle peut connaître durant l’été.
La randonnée du matin, associée à la promenade sous le vent et le froid, nous a littéralement cassés, harassés. On rentre, on se pose dans notre petit studio, pas trop décidés à aller manger dehors, alors on se met en mode comme à la maison dans notre maison toute vide, nous rappelant le côté « Shining » de notre hébergement à Riksgransen, cet hiver en Suède.
Demain, peu de kilomètres nous attendent, l’occasion de prendre notre temps, et de faire quelques ballades, en espérant qu’il fera plus chaud, car oui, ce soir il fait 2°c.
Pas de commentaires