Les sons du centre de la Terre
Les sons du centre de la Terre
Le soleil se lève doucement au dessus de Mývatn baignant les paysages d’une lumière dorée et rose.
On reste aujourd’hui sur Mývatn, pas de changement d’hébergement ce soir, une petite halte au milieu du voyage. Il y a de toute façon pas mal de choses à voir dans cette région, située sur le chemin de la dorsale médio-atlantique, je m’explique : la faille entre deux plaques tectoniques : celle d’Amérique et celle de l’Europe.
Cette faille traverse l’Islande du sud ouest au nord est, nous sommes donc pile sur son axe. On démarre donc la journée en attaquant la route située juste en face de notre hébergement, à savoir les Dimmuborgir.
Un petit point technique s’impose : ce sont des monticules de pierre de lave. Sous toutes leurs formes : en cône ou en arche. Pourquoi sont-elles là, c’est là toute la question. Une des théories serait que lors d’une éruption du Krafla, des sédiments étaient au sol lors de la coulée de lave, qui se sont agglutinés à cet endroit.
Lorsqu’un barrage a cédé et que la lave s’est échappée, ces sédiments, restés à la surface et s’étant solidifiés, auraient donné naissance à ces monticules. Ce n’est qu’une théorie… En tout cas, ce paysage est assez stupéfiant, surtout quand la lumière se lève doucement et que le brouillard ne s’est pas encore totalement dissipé.
Il y a trois boucles qui permettent de serpenter dans le parc, une toute petite, une grande, et une dernière qui emmène à la fameuse « Eglise des Trolls ». On ne sait pas trop si cette dernière est praticable ou non, alors on part sur la grande boucle.
Monticules et nombreuses arches bordent le chemin, qui monte et redescend. Nous sommes seuls au milieu des pierres de lave qui sont recouvertes en partie de neige et de givre. Les bouleaux sont gelés sous la lumière diaphane qui pointe derrière les nuages. Le froid est mordant ce matin et nous oblige à avoir une bonne dynamique de marche.
Mais petit à petit le soleil se fait de plus en plus présent, et le rythme de marche que nous avons adopté nous réchauffe tranquillement. On aurait presque trop chaud.
Quel plaisir de pouvoir déambuler parmi ces rochers aux formes anthropomorphes, tout seuls, tranquillement. Tantôt les rochers ont une forme de cheminée, de silhouette humaine, on comprend le nombre de légendes qui gravitent autour de ce lieu.
On termine notre grande boucle, en passant devant un rocher en forme de lion, gardien de Dimmuborgir, puis nous repassons par les grilles d’entrée du parc, au moment où d’autres touristes hésitent à s’engager parmi les rochers.
On continue en prenant le chemin qui mène au Hverfjall, un énorme volcan qui culmine à 463 mètres d’altitude. Dommage, la route est très instable, les monticules de neige sont nombreux.
A mi-chemin, la route s’arrête, on ne verra que des traces soit d’un énorme 4×4, soit d’un bus de touristes. La montée, que l’on peut faire l’été, sur les flancs du volcan est interdite.
Dommage de ne pas pouvoir s’approcher de ce cratère que l’on voit du bord de la route et qui est si impressionnant.
Après ce demi-tour forcé, on reprend la route n°1 jusqu’à Reykjahlíð, la ville principale qui borde Mývatn. Quelques courses au supermarché, un tour à l’office de tourisme qui explique assez bien les phénomènes volcaniques et géologiques, et la faune du lac.
Direction le Krafla, ce volcan de 818 mètres d’altitude, qui entra pendant 20 ans en éruption au 18e siècle, détruisant Reykjahlíð sauf l’église. La route n°1 est assez abrupte à cet endroit mais nous laisse voir un superbe paysage désertique et montagneux, parsemé de petites fumerolles et traversé par une rivière.
Au bout de la route, en plus des fumées se détachent deux énormes bâtiments. L’un rouge, l’autre gris à la forme particulière. L’odeur de soufre, et d’œuf pourri est de plus en plus présente. Ce sont là deux usines d’énergie géothermique qui viennent directement s’alimenter dans les sous-sols du Krafla.
Le bruit est assourdissant et l’odeur très présente. Au beau milieu de la route qui mène au Krafla, les tuyaux font une arche au dessus de la route.
Celle-ci, empruntable l’été, est tout bonnement impossible à prendre l’hiver. Au delà de l’arche l’épaisseur de neige n’est pas loin des 1m50. Les derniers kilomètres pour les plus courageux, se font à pied ou en ski de fond.
On fait la route dans l’autre sens, les narines remplies d’une odeur de soufre.
Il est temps de déjeuner, et comme toujours il faut toujours manger les sandwichs avec une belle vue. Ce sera aujourd’hui le site de Hverarönd, qui est en fait un champ de fumerolles.
Personne sur le site, hormis deux voitures avec deux couples. Lorsqu’enfin on termine de déjeuner et qu’on va pour sortir, surgit de nulle part un car entier de touristes allemands, qui courent partout, vous poussent pour prendre une photo si jamais vous les gênez. Bref, on a loupé la fenêtre pour être tranquille et avoir Hverarönd rien que pour nous.
On essaye de s’éloigner et de prendre un peu de hauteur. Le chemin balisé, duquel il est conseillé de ne jamais s’éloigner car la température du sol peut être autour de 80-100°c (mais pas facile sous la neige de suivre le chemin), nous fait monter au-dessus d’un petit piton rocheux.
Le peu de végétation est cristallisé par le froid de l’air, on croise des espèces ressemblant à des algues sous-marines, sans trop savoir ce que c’est. Puis le chemin redescend nous faisant enjamber une sorte de faille qui part de la montagne.
Bon et sinon les fumerolles c’est quoi ? C’est en fait de l’eau à 100 degrés enfouie à 2000 mètres de profondeur, et qui remonte. En l’occurrence sur ce site, c’est de l’acide sulfurique qui sort et qui donne des flaques de boue bouillonnante. La vapeur est accompagnée de divers gaz, tels que l’hydrogène sulfuré qui donne cette odeur caractéristique d’œuf pourri.
Au delà du côté visuel, très impressionnant, qui provoque une écoute attentive des phénomènes géologiques, ce sont les sons qui ponctuent notre balade sur le site.
Lorsque la vapeur sort, on pourrait croire qu’une cocotte minute est sur le feu, et lorsque c’est dans l’eau ou dans la boue, ce sont des « blop » lourds qui viennent aux oreilles. On ressent cette instabilité de la terre, prête à craquer à tout moment sous nos pieds, mais qui doit aussi nous forcer à la respecter.
Du fait des volutes de fumées qui s’échappent de la terre, la topologie du paysage donne l’impression de changer du tout au tout. D’un grand soleil, on passe dans l’ombre et parfois on ne voit plus rien du tout, totalement enveloppés par la fumée.
On termine notre boucle sur le promontoire, juste au-dessus des flaques de boue. Difficile de voir les bulles éclater entre deux volutes de vapeur.
Après une heure de balade au milieu de cette terre lunaire, colorée de dégradés de jaune et de marron, on redescend sur les bains Jarðböðin. Le pendant du Nord du Blue Lagoon, et beaucoup moins touristique, mais j’y reviendrai.
Tout d’abord, l’entrée et les vestiaires pourraient faire croire à une piscine lambda. Sauf qu’avant de rentrer dans le lagon, il faut se laver au savon. Ensuite, la porte du bout du couloir s’ouvre et il faut rentrer dans l’eau, le plus vite possible ! Le froid, c’est vrai, ça surprend. Mais quelle sensation quand on rentre dans l’eau à 40 degrés alors qu’il fait -16°c dehors !
On avance dans le bassin, certains courants sont plus froids, d’autres vraiment bouillants. Il y a peu de monde quand on y rentre, on y sent un endroit habituel des locaux. Les gens parlent bas, ils sont respectueux du lieu.
La vapeur qui se dégage du bassin fait qu’on ne voit personne à 5 mètres et cela provoque une ambiance cotonneuse. On y resterait des heures, à alterner entre les bains. Notre petit plus a été d’y aller à 16h, au moment où le soleil commençait à bien décliner. Un vrai paysage de carte postale sans le vouloir.
On est cassés mais frais, fatigués mais requinqués. On décide d’y aller mollo. Sur le chemin du retour, on admire le long coucher de soleil au-dessus du lac fumant de Mývatn et de Hverfjall.
On rentre à la maison, à prendre notre temps, décharger les photos, écrire le carnet, regarder la carte. Le temps d’une petite bière, une Gæðingur Pale Ale, et pendant qu’on fait à manger, un regard dehors, et que voit-on pour la 4ème soirée consécutive? Des aurores. Encore.
Pas de brouillard givrant en plus. Le soleil n’est même pas couché que déjà elles sont là, à danser dans le ciel de manière plus ou moins vives, plus ou moins rapidement. Alors on met la bouffe en pause, et on sort.
Je sors faire quelques photos apéritives, profitant de la belle luminosité. Il est à peine 19h. Ce soir les aurores démarrent au dessus du cratère Hvrefjäll, comme un fumerole mais d’une autre sorte, et d’une autre couleur.
Difficile de s’arracher de ce spectacle encore une fois. Comme quoi peu importe les absurdités que vous pouvez lire sur internet, les aurores n’arrivent pas entre minuit et 3h du matin, mais bien quand elles le souhaitent. Et cette danse apéritive en est la preuve.
Virevoltant au-dessus de mon volcan préféré, elles ont bien l’air décidées de ne pas s’arrêter.
On s’arrache au spectacle pour aller manger, on jette un œil par la fenêtre : elles sont toujours là.
Après le repas, on décide d’aller dans le bâtiment principal, histoire de capter un peu de wifi, de jeter un œil sur l’état des routes pour demain matin, de regarder les prévisions d’aurores à venir et d’envoyer un mail ou deux.
Les touristes suisses sont toujours là, et alors que je suis en train de trier mes photos, l’un deux m’interpelle « C’est sur quel site que vous regardez ça ? » « Ce n’est pas sur un site c’est une photo que j’ai prise » « Ah bon mais quand ? » « Il y a une heure » « Ah bon il y avait des aurores ? »
Bon je ne critique pas, mais le spectacle était là sous leurs yeux depuis plus 2 heures. Pourquoi s’enfermer dans sa chambre d’hôtel à plusieurs milliers de kilomètres de chez soi et louper ainsi ce spectacle de la nature ?
Et ce sera de même lorsque les aurores reprendront, ils resteront presque tous derrière la fenêtre du restaurant, se gâchant une bonne partie du spectacle.
Je descends près du lac, là où se trouve 2 suisses qui eux bravent le froid pour profiter du spectacle. Et j’ai enfin ma photo avec le reflet des aurores dans l’eau !
Je discute photo et technique avec mon comparse suisse, en profitant du spectacle qui s’offre à moi. Parfois les aurores se calment, pour redoubler d’intensité, formant des spirales que je prends plaisir à voir danser, onduler, se transformer, se rejoindre.
Puis mon comparse plie bagage et abandonne, je me retrouve donc tout seul, sur les berges du lac, avec pour seul compagnon le chien des patrons qui je pense commence à m’apprécier.
Pendant qu’il fait le fou en cherchant je ne sais quoi, je continue de profiter du spectacle, sans me lasser. La fatigue s’oublie sous les aurores, le froid aussi…enfin un peu. Puis à mon tour je plie bagage et file me coucher.
Cécile se lèvera à 3h du matin, et les aurores continuaient de danser dans la quasi ignorance de tous. Ce fut une belle soirée.
Demain on reprend la route, c’était notre étape la plus à l’est du pays, nous retournons sur nos pas, doucement mais sûrement vers le retour.
Aubéry
Posted at 12:58h, 04 janvierMon Dieu, il est midi, je sais pas depuis combien de temps je suis sur votre blog, je n’ai pas vu le temps passer tellement je me régale. Les photos, les récits, les petites péripéties, les petites cartes trop mignonnes de début d’article..
Je pars en road trip de Fin Janvier à début Mars. Je pense pas que je serai aussi chanceuse que vous, niveau aurores boréales (d’ailleurs, les photos de celles de Myvatn sont sublimes). J’ai prend note de quelques uns de vos Guesthouses, j’ai un peu du mal à trouver des logements aux prix raisonnables, sachant que je pars seule donc pas de « partage de frais ».
Allez, j’attaque la lecture de votre « Jour 8 ».
retourdumonde
Posted at 16:25h, 06 janvierLe temps passe quand on est plongé dans un récit, je comprends totalement car ça m’est déjà arrivé 😉
Les aurores boréales n’ont pas vraiment de règles, on croise les doigts pour que tu en ais autant de chance que nous et pour ce qui est des logements, l’hiver commence à être de plus en plus prisés, il y a peut-être un peu plus de choix qu’à notre époque (encore que ça ne remonte pas à si loin !), mais oui l’Islande reste un pays coûteux. Bon voyage à toi 😉