Azpilkueta et la cascade de Xorroxin

Azpilkueta et la cascade de Xorroxin

Cette fois-ci je ne vais pas puiser dans mes souvenirs pour vous parler de ce coin d’ailleurs, je n’ai pas la prétention de connaître le Pays Basque sur le bout des doigts et il me reste tellement à découvrir, qu’il faut parfois faire preuve d’humilité. Alors mettons de côté la boite à mémoire pour cette fois-ci. Xorroxin était depuis tellement longtemps griffonnée sur ma bucket list imaginaire, que ça commençait à devenir suspect. On a donc replongé au cœur de la vallée de Baztan, à la découverte de l’une des rares cascades du Pays Basque.

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Mais avant, je nous ai fait faire un détour. Encore un. Mais j’ai une bonne raison cette fois, encore que. Bougez pas je vous explique. Petit retour en arrière, juin 2014 au beau milieu de la Coupe du Monde de football, je m’amuse à regarder la composition des équipes sud-américaines pour remonter les traces de l’influence de la diaspora basque. Izaguirre (Honduras), Aguilar (Colombie), Zabaleta (Argentine), Ochoa (Mexique) et Azpilicueta pour l’équipe d’Espagne. Et puis sans trop me rappeler pourquoi, je me met à fouiller sur le net, à voir d’où il peut être d’origine, et de fil en aiguille je tombe sur une photo, un vieille bâtisse navarraise dans un village presque homonyme : Azpilkueta.

Pas très loin d’un coin où l’on bouge souvent, je me garde ça dans un coin de la tête pour aller y faire un tour, un jour où le vent nous poussera dans ce coin là. La route vers Xorroxin était donc l’excuse parfaite pour se perdre dans les rues de ce petit confetti posé dans la vallée de Baztan. Une trentaine de maisons, une centaine d’habitants, village de naissance du Saint François-Xavier. Rien d’attrayant sur le papier pour le touriste, mais un « rien » parfait pour le curieux.

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Une rue principale en lacet, à la pente raide, des sons étouffés de télé, de radio qui s’échappent par les fenêtres des maisons brunes, typiquement navarraises. On dépose notre carrosse au pied d’une maison carrée, antiquement délabrée, à vendre, au pied d’un terrain maraicher, et d’une vue dégagée sur la vallée de Baztan.

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On ne croise pas grand monde, hormis quelques habitants au sourire disant toute la (bonne) surprise de voir des curieux s’aventurer ici. Azpilkueta est paisible, calme, reposée, presque tout autant que ce chien, affalé au beau milieu de la route, bien content de trouver des personnes pour lui gratter la couenne et lui secouer les puces.

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Ah si j’oubliais, Azpilkueta a quand même une particularité, presque unique même. C’est sans doute un des seuls – il est possible qu’à cet instant, je fasse une erreur – village de Navarre et du Pays Basque, à disposer d’un fronton (mur à gauche) accolé à son église. Comme ça le curé, tout comme ses ouailles, entre deux homélies, n’ont que quelques pas à faire pour aller taquiner la pelote. Le tout avec une vue spectaculaire sur l’ensemble de la vallée, Gorramendi inclus.

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On a laissé derrière nous la quiétude des rues d’Azpilkueta, de ses fleurs tout juste écloses en ce début de Printemps, de son chien endormi et on a repris la route vers Erratzu et Xorroxin, bien contents d’avoir poussé nos roues jusqu’ici.

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D’Erratzu on n’en a pas vu grand chose, on s’est un peu, beaucoup perdu dans ses rues étroites à l’heure de l’apéro, et on a finalement atterri au pied de son colossal cimetière. Encadré par un porche monumental, gravé de blasons, détonant presque dans un si petit village. J’ai eu beau fouiller, je n’ai, encore pas, résolu ce mystère.

Sous un paquet de nuages d’argent, ne laissant pas filer un poil d’air, et emmagasinant la chaleur, on a cassé la graine, avant de prendre nos jambes en direction de Xorroxin.

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Un seul panneau de direction, aucune idée du temps, de la distance, on est sorti d’Erratzu par une petite route pour traverser des plaines presque vierges, balayées de quelques moutons par-ci, par-là.

Arrivés jusqu’à la petite chapelle de Gorostapolo, on a bifurqué à gauche, pour quitter le bitume, et s’enfoncer dans la fraicheur de la forêt. On a alors retrouvé la végétation printanière, où les couleurs vivifiantes venaient pointer le bout de leur nez au milieu de ces aplats de vert chlorophylle.

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De Gorostapolo il existe plusieurs chemins, plusieurs balades, dont une qui file directement au pied de la cascade de Xorroxin, et une autre qui passe par les hauteurs, menant le promeneur aux pieds d’innombrables menhirs et dolmens. Ne sachant pas trop, on a filé en ligne droite, sur un chemin sans difficulté, plaisant par la beauté de ses paysages alentours, de sa végétation, des tableaux de nature morte qu’il offrait à chaque pas.

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Enjambant la rivière Baztan via un pont, le chemin s’est fait plus serré, plus sinueux, pour l’instant on n’avait quasiment jamais croisé, ni même entendu le bruissement de l’eau, et puis soudain, elle était là. Majestueuse, déversant ses hectolitres d’eau limpide au pied du mont Autza.

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Il faut le noter, la randonnée qui mène à Xorroxin est plutôt du genre « familiale ». Un bon prétexte pour une balade digestive ou pour faire dégourdir les pattes aux gamins venus de la proche Pampelune ou d’ailleurs. On n’était donc pas tout seuls pour admirer ce petit bijou poli de la nature.

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Le temps que tout ce petit monde finisse de remballer leurs affaires, je vais en profiter pour vous raconter une histoire. Xorroxin n’est pas exempte de légendes, d’histoires. Ici aussi, comme à Harpea, on peut observer la présence de laminak, ces femmes poissons se lissant les cheveux d’un peigne d’or. Le petit bassin dans lequel la cascade vient mourir avant de se transformer en ruisseau, se nomme Lamiputzu, la mare des laminak. Ça ne s’invente pas.

On raconte d’autres histoires encore sur la montagne Autza et les forêts de Baztan, habitat de la déesse Mari, mais aussi d’Herensuge et Sugaar, le couple mythologique le plus important du bestiaire basque. Aux allures de serpents, ils sont les parents du Soleil de la Lune.

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Voilà pour placer un peu le contexte de l’aura que dégage Xorroxin. Maintenant que notre petit groupe est parti, nous voilà donc avec la cascade rien que pour nous. Parfait pour l’apprécier dans son ensemble, prendre le temps de la détailler, de la comprendre, de l’observer. J’essaye de me faufiler au milieu de la rivière Baztan sans en tremper mes chaussures pour tenter de l’immortaliser. Ici, la rivière est calme, une vingtaine de kilomètres plus loin, elle viendra se jeter dans les bras de la Bidassoa, le fleuve frontière entre la France et l’Espagne qui lui même viendra mourir dans l’Océan Atlantique au niveau de la baie de Txingudi entre Hendaye et Hondarribia.

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Le niveau bas de la rivière donne tout le loisir d’observer les racines entremêlées des arbres majestueux qui la borde. Xorroxin est magnifique, tout comme sa petite sœur qui vient se jeter à quelques mètres en aval. Plus petite, plus modeste, mais tout aussi belle.

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Se jetant dans une petite piscine naturelle, entourée d’une nature qui a très bien compris que les gelées de l’hiver sont désormais révolues, et que l’été va faire son apparition dans quelques semaines, quelques mois. La nature explose de partout, des fleurs aux noms inconnus, des pousses de fougères à l’allure si caractéristique qui me rappelle les arbres dévorés par la neige en Laponie. On est bien là.

Tellement bien qu’on y est resté plusieurs heures, sans s’en rendre compte, comme aspirés par la beauté des lieux. Difficilement, calmement, on a remonté le chemin, indiqué à d’autres curieux la bonne route, et retrouver les ruelles étroites d’Erratzu, bien contents d’avoir fait le chemin, bien contents d’avoir enfin vu la beauté de Xorroxin.
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Et comme je n’étais pas rassasié, au lieu de rentrer tout droit on a coupé par le Parque Natural del Senorio de Bertiz, où on n’a croisé personne, à peine quelques bergers, on a pris de la hauteur pour profiter du soleil au dessus des nuages, et on a filé, passant au cœur d’autres forêts, devant d’autres cascades sans nom.

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Derrière mes yeux, la beauté de la cascade de Xorroxin s’est superposée avec toutes ces histoires de laminaks, de femmes-poissons. Je me suis revu alors cette scène du film O’Brother, où les personnages sont soudain hypnotisés par la beauté des lieux et par le chant des sirènes au bord d’une petite rivière… « Go to sleep little baby… »

Suggestions d’accompagnement sonore :

Emmylou Harris, Gillian Welch & Alison Krauss – Didn’t Leave Nobody But The Baby  (Lost Highway – 2003)
Issue d’une scène mystique et mythique du film O’brother. Vision onirique de trois femmes au bord d’une rivière absorbant les protagonistes de ce road movie simplement par le son de leurs voix. Arrangement par le très grand musico-ethnologue Alan Lomax.

16 Commentaires
  • Kenza
    Posted at 10:05h, 30 juin Répondre

    Je crois que c’est l’article préféré de ceux que j’ai lus ! Le texte, les photos, la promenade, tout.

  • Ophélie G.
    Posted at 16:12h, 30 juin Répondre

    Wahouu, tous ces paysages sont à couper le souffle ! J’aime tout particulièrement les demeures en vieilles pierres, c’est quelque chose qui me laisse rêveuse ! xx
    Ophélie G. Articles récents..Carte postale #3 – PlymouthMy Profile

    • retourdumonde
      Posted at 18:31h, 30 juin Répondre

      Le Pays Basque est la Navarre ne particulier regorge de maisons de ce type, pour qui sait prendre le temps de se perdre dans les terres. 😉

  • mzelle-fraise
    Posted at 18:05h, 30 juin Répondre

    Wow, vous arrivez toujours à faire grimper la barre de la qualité ^^ les photos, le texte, tout ! Il est super ce billet <3

  • Marine
    Posted at 15:51h, 02 juillet Répondre

    Merci pour ce magnifique voyage en photos et en mots ! Cela donne envie de découvrir le pays basque et de prendre quelques temps de repos paisibles pour se retrouver en communion avec la nature !

  • Larrosari
    Posted at 19:59h, 06 juillet Répondre

    Moi qui suis du « pays », c’est un vrai plaisir de venir lire ce blog et contempler ces superbes clichés.
    Tes articles ne sont pas « cliché » justement. C »est frais et c’est beau ! … et en plus tu me fais découvrir des coins que je ne connaissais pas, alors merci pour ça aussi ! Je connaissais Xorroxin, la radio de la vallée du Baztan, je comprends maintenant d’où lui vient ce nom. Milesker.

    • retourdumonde
      Posted at 20:45h, 06 juillet Répondre

      Milesker duzu!
      Merci beaucoup ce commentaire me va droit au cœur. N’étant pas euskladun mais amoureux transi de cette région, j’ai à coeur de montrer une autre image, loin des côtes et des « clichés ». Et pour l’anecdote, j’ai moi, découvert Xorroxin Irratia, justement sur le chemin de la cascade, je ne connaissais pas cette radio. Merci encore à vous ! 😉

  • Pierre des Bazos en goguette
    Posted at 01:34h, 07 juillet Répondre

    De très jolies clichés tout en douceur et poésie ! j’adore particulièrement celle du motoculteur en attente avec cette vue dégagé , continuez a nous faire rêver 🙂

  • Matias Aguerre
    Posted at 11:26h, 15 septembre Répondre

    C’est probablement mon spot préféré, un petit coin de paradis dans mon beau Pays Basque… Mais pas moyen d’y aller sans faire un plouf sous la cascade ! J’en profite pour vous féliciter pour votre site, moi qui suis illustrateur, graphiste et un peu photographe sur les bords, et surtout amoureux de la Nature, je suis fan ! Continuez comme ça et n’hésitez pas si vous cherchez d’autres petits lieux mystiques et encore secrets 😉
    Matias

    • retourdumonde
      Posted at 17:23h, 15 septembre Répondre

      Xorroxin est vraiment un chouette coin, un peu perdu dans le Baztan mais tellement beau, bon pour le plouf nous on avait un peu fait les petits bras, l’eau était vraiment beaucoup trop fraîche !
      Merci pour ton chouette commentaire qui nous avait extrêmement plaisir et pas de soucis pour tes coins secrets, n’hésite pas à nous faire mail, de notre côté on a encore quelques idées de lieux inexplorés à découvrir !

  • Michel
    Posted at 13:11h, 18 mars Répondre

    Très jolies photos, mais il ne me semble pas que Saint François Xavier soit né dans le Baztan. Il est né à Javier, un peu plus loin en Navarre.

    • retourdumonde
      Posted at 13:32h, 18 mars Répondre

      Bonjour Michel, Saint François Xavier est bien né à Javier, mais comme l’indique son nom – Francisco de Jasso y Azpilicueta – sa famille et sa mère notamment était originaire d’une famille de la noblesse du Baztàn, particulièrement d’Apilikueta.

  • Marie
    Posted at 08:09h, 29 juillet Répondre

    J’ai adoré votre histoire..un vrai roman..
    J’y étais à travers votre récit…et les photo qui l’accompagne sont magnifiques…
    Que du bonheur..,!
    C’est une Invitation au voyage..!
    Je vais me programmer cette balade…

    • retourdumonde
      Posted at 15:34h, 16 août Répondre

      Bonjour Marie, merci beaucoup pour ce chouette retour et merci pour vos mots, cela compte beaucoup pour nous. Bonne balade a vous.

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