10 Déc Entretien avec Tristan Savin, voyageur au « Long Cours »
Tristan Savin, qui êtes vous ?
Je me définis avant tout comme un vrai curieux, passionné – entre autres – par les livres et les voyages. En tant que journaliste, j’ai eu la chance de vivre de mes passions en réalisant des reportages (pour Géo ou L’Express, entre autres), des documentaires, mais aussi des chroniques littéraires ou des interviews d’écrivains pour le magazine Lire… Je suis également auteur (j’évite le terme « écrivain », trop galvaudé), tendance graphomane : j’ai été nègre, j’ai écrit des guides de voyage, un roman d’aventures, des dictionnaires, des anthologies sur l’Abyssinie et Tahiti pour le Mercure de France. Et je viens de participer à un essai collectif sur « l’esprit d’aventure », à paraître au Seuil dans une nouvelle collection dirigée par l’aventurier et écrivain Patrice Franceschi, le capitaine de La Boudeuse. J’ai désormais la chance de m’occuper de Long Cours, je ne voyage plus autant qu’avant mais je ne vais pas plaindre.
Long Cours en quelques mots, c’est quoi?
La revue dont je rêvais depuis 20 ans… A la fois voyageuse, littéraire, décalée, artistique grâce à son élégante maquette, aux photos et aux illustrations. Elle permet de comprendre un peu mieux le monde dans lequel nous vivons. Grâce aux grands reporters, aux photographes, aux dessinateurs, aux écrivains voyageurs (Sylvain Tesson, Jean-Christophe Rufin, David Fauquemberg, Caryl Férey, par exemple) et aux auteurs du monde entier (Alaa El Aswany, Jim Fergus, William Boyd, Roberto Saviano, Luis Sepulveda, entre autres).
Pourquoi une revue et pas un magazine ?
Une revue laisse plus de place pour traiter les sujets. Nous avons 200 pages par numéro, donc 10 à 14 pages pour un reportage, ce qui est impensable dans un news magazine. Les sujets sont mieux préparés quand on a trois mois ou plus devant soi. Et c’est vendu en librairies, pas seulement en kiosques, donc nous touchons un public de vrais lecteurs. Le traitement graphique est plus esthétique. Enfin, contrairement à un journal, une revue se garde. Comme un livre.
J’en profite pour apporter une précision à ceux qui se demandent (et c’est normal) ce qui nous distingue de la revue XXI, qui a innové dans le domaine mais nous accuse de l’avoir « copiée ». Nos formats se ressemblent peut-être mais quand on compare attentivement les contenus, Long Cours est vraiment différente. Que ce soit dans le choix des sujets (nous évitons le « social ») et leur traitement (plus littéraire). Et nous ne publions pas seulement des reportages mais aussi des récits et des nouvelles inédites. Long Cours est une invitation au voyage. Et nous ne traitons pas la France.
Comment se fait le choix des articles ? Par rapport à l’actu ?
Pour nous, l’originalité du sujet prime. Et la qualité du regard, donc de la plume dans le cas d’un auteur. Nous choisissons les articles (ou les sujets en images) s’ils apportent un regard décalé sur l’actu, impossible à traiter « à chaud » quand on est trimestriel : par exemple, dans le numéro Un, nous évoquions le scandale du massacre des requins au moment où les surfeurs de la Réunion appelaient à leur élimination. Pour le numéro 2, qui vient de paraître, nous avons envoyé à Fargo un romancier (Fabrice Humbert, l’auteur de L’origine de la violence) pour enquêter sur les nouveaux gisements pétroliers de schiste. Dans le numéro 3, nous aborderons le conflit syrien à travers le patrimoine du pays, l’un des plus vieux du monde… Nous ne pouvons pas suivre l’actualité, mais la devancer ou l’éclairer avec un peu de flair et surtout l’expérience du terrain. Les auteurs de Long Cours (journalistes, écrivains voyageurs ou photographes) sillonnent le monde en permanence, aux aguets, ils ont fini par développer des « antennes », une sorte d’instinct, de clairvoyance, que ne peuvent pas avoir les journalistes enfermés dans des bureaux…
Qu’est-ce que vous souhaitez évoquer chez le lecteur ?
Nous cherchons à lui permettre de s’évader par la pensée, dans un grand tour du monde moderne, avec des récits « au long cours », tout en suscitant sa réflexion sur les problèmes liés à la globalisation ou les questions d’environnement. La science et l’économie nous intéressent autant que la géographie. Nous proposons de grandes enquêtes fouillées, par exemple sur le marché mondial du riz, la place des femmes dans le monde, la difficulté d’être athée dans les pays religieux, les mafias internationales, la rareté de l’eau potable, le réchauffement climatique… En faisant appel à des écrivains talentueux, nous apportons un regard subjectif, moins neutre que le traitement purement « journalistique » des médias traditionnels. Nous espérons également émouvoir nos lecteurs à travers l’objectif de grands photographes. Un détenu vient de nous écrire une lettre très émouvante, pour nous remercier : lire Long Cours dans sa cellule, dit-il, lui apporte une « évasion nécessaire »…
Sur votre site internet, on peut envoyer son carnet de voyage, ses photos, d’où vous est venue cette idée de, dans un sens, donner la parole au lecteur ?
Le principe de l’internet, c’est l’interactivité. C’est parfois frustrant, pour un lecteur, de se contenter de regarder le travail des autres. « Et si je pouvais le faire moi aussi ? » C’est possible avec notre blog, sur lequel on peut poster ses propres reportages… Nous aimerions réunir une communauté de voyageurs curieux, de reporters amateurs.
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