21 Oct Mémoire d’un voyage – Le Japon
Pour comprendre qui on est, il faut des fois se tourner vers les proches. Au-delà d’en savoir un peu plus sur soi, ça permet de garder une trace. Une trace audio d’abord, parce que cette interview a été faite – en pleine préparation d’une énorme paella – sous le peu de chaleur que cet été nous a octroyé, et une trace écrite, ensuite, illustrée de photos vieilles de… 42 ans.
Aujourd’hui, j’ai interviewé mon père sur son voyage au Japon en août 1972. Parce que sur le blog, il y a des voyages dont on ne pense pas parler alors qu’ils sont évidents. Celui-là, je n’y étais pas, mais il a tellement marqué mon père, et j’en ai tellement entendu parler qu’il fait un peu partie de ma vie.
Il n’a pas beaucoup voyagé mais ses voyages l’ont marqué. Il n’a jamais été aventurier mais il a toujours été curieux et enthousiaste. Je me souviens qu’il y a 2 ans, il est revenu de New-York des étoiles plein les yeux, me racontant ses soirées interminables dans les clubs de jazz.
Mon père en voyage, c’était le Guide Vert dans les mains et le nez en l’air, à nous distiller des anecdotes historiques au fur et à mesure de nos visites. Je me rends compte qu’aujourd’hui, en voyage, j’ai toujours un bouquin dans les mains.
C’est parti, on remonte le temps.
Pourquoi ce voyage ?
C’était un concours de circonstance, et ce voyage n’était absolument pas prévu de longue date. J’avais en fait une amie qui devait partir au Japon retrouver son copain qui avait émigré là bas. J’ai profité de son voyage pour y aller. J’avais des amis qui s’appelaient Satoko et Ideo, ce sont eux qui nous ont donné le contact. Ideo était journaliste télé. Elle l’avait accompagné à Paris et apprenait le français, car c’était très prisé. C’était aussi la période où le Japon était en plein essor, de la même manière que la Chine aujourd’hui, ou même l’Inde.
Nous avons donc pris un vol Aeroflot avec une escale à Moscou, où on nous a tous fait descendre de l’avion pour un contrôle complet. On est restés sur le tarmac pendant 4 heures, car ils ne trouvaient pas la liste complète des passagers.
Les gens qui nous accueillaient, les contacts qu’on avait là-bas, on ne les connaissait pas. Ils devaient venir nous chercher à l’aéroport à Tokyo : le signe de reconnaissance était une baguette de pain qui a fait tout le voyage, à l’époque on pouvait passer avec en cabine !
Le tracé ?
On a visité Tokyo, puis en train (le plus rapide du monde) on a fait Tokyo-Kyoto, pour ensuite aller à Yokohama. On a séjourné sur une petite île au large de Yokohama, avant de faire le chemin inverse.
On a tout fait en train, ils n’avaient pas de voiture. On arrivait à un endroit et on gravitait autour. Mais que ce soit Tokyo, à l’aller comme au retour, on y a passé pas mal de temps, tout comme Kyoto.
J’ai trouvé Kyoto plus belle que Tokyo, elle avait plus de temples anciens, Tokyo était déjà très moderne et ça s’est, je pense, beaucoup accentué.
J’avais regardé un peu les guides avant de partir, surtout l’historique, parce que sur place, on a entièrement été guidés, on a vécu dans des ryokan : chacun avait sa chambre et des dames venait installer nos nattes quand on voulait dormir. On pouvait même dîner dans notre chambre.
Par contre, il faut dire que ce n’était pas la meilleure saison pour découvrir le pays, il faisait une chaleur torride, avec une humidité terrible. Il y avait la climatisation partout, dans les restaurants par exemple.
Et la nourriture ?
J’ai justement découvert la tempura là-bas, que personne ne connaissait en France, et aussi le sukiyaki (spécialité japonaise à base de bœuf cuite en marmite). Notre contact là bas, vu qu’il était journaliste, connaissait plein de petits restaurants dans des quartiers qui à mon avis n’existent plus !
On mangeait beaucoup chinois. A Kyoto et à Yokohama, il y a un quartier chinois qui était extrêmement grand. Au bout d’un mois, entre la nourriture chinoise et japonaise j’en avais marre.
Qu’est ce qui t’a frappé à l’époque avec ton œil d’européen ?
En 72, j’ai vu à Tokyo les premiers distributeurs automatiques de billets, les ascenseurs extérieurs aux buildings (il n’y en a eu qu’un à Paris, qui a été démonté rapidement parce que cela a été interdit). C’est le gigantisme de Tokyo qui m’a frappé, c’était La Défense 30 ans avant ! Le métro était aussi extraordinaire, avec à chaque porte, quelqu’un qui poussait pour faire rentrer tout le monde. L’architecture n’était pas originale : les tours étaient faites de béton et de verre.
Le contact avec les japonais ?
Je ne les ai pas trouvé très expansifs. Et pourtant nous étions introduits par des locaux. Le contact était difficile, ils étaient assez fermés.
Avec quel appareil photo es-tu parti ?
Je suis parti avec mon Zenit E avec l’intention d’acheter le Minolta SRT-101, qui était un appareil très en vogue à l’époque.
Est ce que cela t’a donné l’envie de faire d’autres pays asiatiques ?
J’ai été pris après par le boulot surtout. Quand je suis parti, j’avais 24 ans et je bossais. Ça se faisait à l’époque de prendre un mois de vacances. Maintenant, lorsqu’on part en Asie on part 15 jours.
Au niveau des paysages ?
Lorsqu’on fait Tokyo/Kyoto, il y a des champs agricoles à perte de vue. Les paysages ne m’ont pas marqué contrairement aux villes. J’y suis allé pour voir l’essor de ces villes. La Défense n’était encore qu’un projet, en plein boum économique.
J’ai trouvé Tokyo impersonnel comme ville. Il y avait encore quelques quartiers anciens, mais je crains que maintenant ils aient disparus, ils étaient déjà en diminution à l’époque.
Ton premier voyage en France ?
Sérignan du Comtat, dans le Vaucluse
Ton premier voyage à l’étranger ?
Quand j’ai retrouvé François (mon ami d’enfance) en Italie. Je suis parti donc de Sérignan du Comtat, dans le Vaucluse, jusqu’à Marseille, j’ai changé de train à Marseille pour aller jusqu’à Bologne. J’ai changé à Bologne pour Pescara, à la même hauteur que Rome, dans les Abruzzes pour le retrouver, il m’attendait à la gare. J’avais 19 ans, en 1967.
Le pays qui t’a le plus marqué et que tu conseillerais ?
C’est vraiment l’Italie que je préfère. J’ai bien aimé la Norvège aussi.
Finalement, c’est sur une note givrée que l’on termine cette interview. Le soleil est revenu dans le sud de la France, et ce voyage dans le passé me laisse rêveuse pendant tout le déjeuner…
Celine
Posted at 09:44h, 21 octobreJ’ai beaucoup aimé cet interview, c’est très original en même temps et intéressant d’avoir une vision d’un voyage si lointain dans le temps ! Et beau gosse le papa sur la photo non ? 🙂 C’est marrant qu’il aime bien aussi la Norvège !!! 😀
Héloïse
Posted at 09:48h, 21 octobreExcellent ! Merci à ton père pour ce témoignage et le partage de ces photos. Un sacré voyage à entreprendre en 1972 (j’adore l’escale en Russie 😉 ) !
mzelle-fraise
Posted at 10:06h, 21 octobreOh ! quel chouette billet ! Moi, c’est mon grand-père qui est parti dans les années 60 au Japon, j’adore aller fureter dans les photos cachées chez ma grand-mère. Et le fameux Minolta SRT 101 !! Je crois qu’il y en a un qui traîne aussi…
retourdumonde
Posted at 23:33h, 28 octobreUne décennie avant ça pourrait être marrant de comparer ! Le Minolta SRT-101, c’est une belle mécanique, incassable, facilement réparable. On va sans doute amener celui du père de Cécile en réparation, histoire de lui donner une seconde vie !
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Maïder
Posted at 23:16h, 21 octobrePapa au Japon, love it et cette photo de couverture <3
Ah la chaleur, l'humidité, le gigantisme… certaines choses ne changent pas par contre ils ont dû se faire aux touristes avec le temps parce que je les ai trouvé ultra serviables et accessibles.
Et sinon Will tu devrais demander des conseils à beau-papa pour les photos argentiques, hin-hin elle était facile !
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retourdumonde
Posted at 23:31h, 28 octobreJe te rassure il lui est déjà arrivé la même chose 😉
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Alex
Posted at 12:20h, 22 octobreSympa comme concept! Si seulement mes parents pouvaient avoir de chouettes histoires de voyage comme celle-ci…
Curiosités à NY
Posted at 17:51h, 22 octobreSuper ces vieilles photos ! J’avais fait pareil avec les photos de NY que ma maman avait prises en 1974 !!!
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1001tracks
Posted at 21:51h, 28 octobreQuelle bonne idée! C’est vrai que les voyages de nos parents bercent nos enfances, au point que ceux des miens (l’Irak, les Seychelles, le Congo, le Nigeria, le Cameroun, l’Algérie, tous dans les années 80) me sont presque aussi familiers que si je les avais vécus moi-même. Et pourtant…
Beau retour en arrière, très touchant, merci de partager ces moments intimes avec nous!
retourdumonde
Posted at 23:30h, 28 octobreMerci ! Woaw, l’Irak, le Congo dans les années 80, ce doit être un plaisir de se replonger dans ses photos, surtout que c’est des pays qui ont pas mal changé.
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Rachel @ Blog voyage Découverte Monde
Posted at 14:16h, 01 novembreOh wow, quelle bonne idée de donner la parole à ton père pour un retour au Japon en 1972. Un voyage dans le temps, mais qui ne semble pas avoir changé tant que cela. Il y a peut-être juste plus de grandes tours maintenant et le tempura est connu à travers la planète, mais sinon je crois que Tokyo laisse encore cette impression de grandeur aux voyageurs de passage. Ça l’a dû être un plaisir de l’entendre raconter son histoire 🙂
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claude
Posted at 17:20h, 22 novembretrès beau paysage et SERIGNAN Est-ce loin ?
retourdumonde
Posted at 17:35h, 22 novembreMerci tonton pour ce commentaire!
Sérignan du Comtat c’est un peu loin et au milieu de nulle part, mais on y est bien !
Cécile
Tunimaal
Posted at 21:01h, 06 décembreÉnorme comme expérience. C’est une EXCELLENTE idée d’interview je trouve, et les photos sont vraiment TOP, surtout que l’appareil devait coûter une fortune à l’époque.