25 Oct Peneda-Gerês, de pierre et d’eau
Suggestion d’accompagnement sonore :
Nick Waterhouse – L.A. Turnaround (Innovative Leisure– 2016)
Je serais bien incapable de justifier mon choix cette fois ci, disons que tout simplement c’est le son que j’écoutais quand j’ai écrit cet article et que l’atmosphère colle plutôt bien.
Lorsqu’on prononce le mot Portugal, sans trop avoir à forcer les choses, les premières images qui montent dans notre cerveau, sont celles des plages de sable blanc de l’Algarve, ce sont les routes côtières, le poisson, la sieste d’après manger sous les branches virevoltantes d’un eucalyptus. On est loin d’imaginer, que le Portugal c’est aussi le nord, sauvage, brut, rugueux, des paysages mystiques à chaque virage. Quand l’idée de ce voyage fut griffonnée sur un coin de table, on savait que le point d’orgue, pour nous, serait le Parc National de Peneda-Gerês. Et croyez moi, ça en valait la peine.
A mesure que nous laissions Porto derrière nous, que les villes se faisaient de plus en plus petites dans le rétroviseur, la pluie elle, redoublait d’intensité. A Touvedo, nous quittions notre hébergement aux portes de l’entrée du parc de Peneda sous un temps maussade, un temps triste comme on en trouve au carrefour de l’automne et de l’hiver, et pourtant nous n’étions qu’en Mai. Qui aurait cru que nous rencontrerions cette météo. La pluie nous glaçant les os, il fallait alors, s’armer d’une certaine abnégation pour faire comme si ça ne nous préoccupait que peu.
La route s’élançait au travers de villages à l’aspect de plus en plus ruraux, nous rencontrions nos premiers espigueiros, nous traversions un poste frontière abandonné, faisions une incursion rapide sur les routes de Galice pour ensuite retrouver les routes portugaises, mais tout ça est une autre histoire. Nous avons abordé le parc de Peneda-Gerês sous un temps de chien, la journée passée sous une flotte qui n’en finissait plus, nous laissant uniquement tranquilles quelques minutes lors de notre déambulation dans les petites artères de la station thermale de Gerês. Et encore pas bien longtemps puisque c’est un énorme nuage gris chargé d’humidité, absorbant les rayons lumineux, rendant la ville obscure, qui nous chassera de Gerês.
Je ne sais plus trop comment, car les souvenirs sont relativement flous, mais on se retrouva sur la route dans un coin dont je ne saurais me rappeler, mais nous étions cette fois au cœur du seul parc national du pays. Toujours sous une pluie grinçante nous avions devant les yeux, les premières vues de cette immense étendue de 72 000 hectares. La beauté de la nature a ce pouvoir de vous faire oublier que vous ruisselez, que vos pompes prennent la flotte que vous allez sûrement vous chopper une bonne crève.
La lumière était mystique, les monts aux rochers de granit déchiquetés se découpaient dans une brume hypnotique. La vue était magique, ponctuée d’arbres rachitiques émoussés par des rafales de vent. Il était là, l’autre Portugal que nous étions venus chercher. A nos pieds, avec cette ambivalence, cette contradiction entre la dureté de ces roches et la nature printanière faite de fleurs jaune et violet semblant dire « Merde » à ce temps tout droit sorti de l’automne. Nous avons terminé cette journée dans ce qui reste le pire hébergement de notre séjour, frigorifiés mais le cœur chaud de ce que nous avions vu.
La journée du lendemain commença de manière à peu près similaire, nous avons repris la route, croisant les doigts à s’en faire blanchir les articulations, que le temps nous laisse quelques minutes de répit. La route grimpait, les chemins de traverse se multipliaient et c’est en faisant marcher le pifomètre que nous avons bifurqué sur l’un deux. Le temps de se réchauffer avec un petit thé, j’ai marché quelques centaines de mètres en reconnaissance, voir l’état de la route, voir ce qu’il y avait au bout. Un panneau nous indiquait sobrement Boneca. Allez savoir pourquoi, mais on avait rien, pas de carte du Parc, se remettant uniquement à ce bon vieux feeling. Je suis retourné en arrière, nous nous sommes équipés et on a décidé de voir jusqu’où ce petit panneau de bois nous mènerait. La pluie s’est arrêtée.
Nous nous sommes donc avancés sans savoir à quoi nous attendre, les roches granitiques, rondes comme des galets, et lisses comme du marbre ont commencé à nous entourer. Disséminées ça et là, on avait l’impression qu’elles avaient été jetées là, comme on jetterait une paire de dés pendant une partie de 4-21.
La vue était brute, sèche, dure, presque lunaire, le plateau désertique était parsemé de taches de couleurs comme l’aurait fait un peintre impressionniste. Battu par les vents, cette dureté de paysage m’a sauté au visage. Face à nous, il n’était pas compliqué d’imaginer ces lieux par jour de tempête, quand le vent vous plie un homme comme il plierait les arbres.
Le chemin entre terre et granit était saigné de ravines, aussi chaotique que les paysages alentours, aussi chaotique que le ciel au-dessus de nous. Il faisait moche et pourtant c’était beau. On a essayé de comparer, de voir ce que ça nous évoquait, mais c’était un beau bordel. Comme si on avait mélangé les rochers granitiques de Peggy’s Cove au Canada, avec la dureté du Sàpmi et les montagnes verdoyantes du Pays Basque le tout agrémenté des couleurs de l’arrière pays alpin.
Aussi loin que portait l’horizon, nous avions toujours face à nous des chaînes de montagnes aux noms et à l’altitude incertains. On avait l’impression de dominer le Portugal, de dominer le monde et pourtant nous n’étions qu’à 700 m d’altitude. Autant dire, rien.
Chaque rocher qui s’élevait plus que les autres, était un appel à le grimper pour pouvoir embrasser la vue, la regarder avec des yeux amoureux, la décrypter, chercher à en comprendre ses expressions, ses sentiments, ses travers, ses qualités, ses défauts. Les paysages de Peneda-Gerês me faisaient du gringue et je n’étais pas loin d’en tomber amoureux.
Alors oui, on s’est perdu mais pour mieux se retrouver, on a pris des chemins sans savoir si c’était le bon, on a quelques fois un peu zappé le balisage, on a tourné à droite, à gauche, sans savoir où tout ça nous emmenait. Mais a postériori, je me demande si nous ne l’avons pas fait exprès, tout simplement pour en déguster chacune des miettes qui nous étaient donné de déguster. Tous les chemins que l’on voyait partir à droite, à gauche, étaient autant d’invitations à d’autres découvertes, à d’autres crapahutages, à d’autres paysages. J’avais envie de tout bouffer d’un grand coup de dents.
En s’approchant du bord, au loin, à nos pieds, le Rio de Gerês continuait de couler, imperturbable, incapable de se douter que, quelques kilomètres plus loin, il irait se faire prendre entre les mailles du barrage de Albufeira da Caniçada.
Au bout de tergiversations et de rebroussements de chemin, on a fini par se remettre dans les traces du chemin du Miradouro Boneca, on a contourné des roches, on a descendu un chemin, traversé des pontons de bois pour terminer par se faufiler entre deux énormes rochers pour arriver à la vue finale d’une relative déception. Si tout le chemin se ponctue de «wahou» et de « ‘tain c’est beau », la vue finale sur la ville de Gerês ne casse pas trois pattes à un canard.
Pour dire vrai, on n’y est pas resté bien longtemps, on a préféré abandonner la vue finale pour rebrousser chemin et se faufiler de nouveau sur les routes que nous venions d’emprunter, bien plus à notre goût. Croisant des cabanes de bergers faites de quelques pierres, à l’abri du vent, nous avons terminé les derniers kilomètres sous une pluie qui déclarait avoir terminé la trêve.
On s’est séché comme on pouvait, on a re-bu un thé, on a respiré une grande goulée d’air et on a repris la route, conscient de la richesse du Parc de Peneda-Gerês bien que nous ne venions d’en voir qu’un infime aperçu.
La route était un pure délice, des lacets serrés sur des plateaux laissant voir le paysage à perte de vue, des rochers en équilibre précaire le long de la route, des vaches en liberté paissant tranquillement, indifférentes au temps qui fait comme au temps qui passe. Un vrai paradis pour les roadtripeurs que nous sommes.
Unique parc naturel du Portugal, Peneda-Gerês mérite qu’on le décortique, qu’on le scrute et surtout que l’on s’y perde. Un petit joyau dans son écrin qui balance tous les préjugés d’un coup de revers de manche sur les paysages portugais. A pieds ou en voiture, se balader au milieu de ses chemins nous fait se sentir aussi grand que petit. Peneda-Gerês tu en valais vraiment la peine.
Nikon D610
Isa
Posted at 13:55h, 25 octobreJe lis votre article en étant faiblement éclairée par la lumière apocalyptique d’aujourd’hui, à Lyon. Du coup, je ressens bien l’ambiance que vous décrivez… J’adore ces paysages granitiques, de bruyères et de genêts. J’aime moins la bruine, si pénible dès qu’il s’agit de sortir marcher, cette bruine qui nous glace jusqu’aux os…Même dans la voiture !
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retourdumonde
Posted at 09:52h, 26 octobreAlors, on a fait exprès de sortir l’article en se basant sur le temps lyonnais, pour être sûr de te mettre dans le mood pour la lecture 😉 Merci pour ton petit mot Isa. 😉
Laponico
Posted at 23:08h, 25 octobreWaouh, c’est sublime comme endroit…vraiment le genre d’endroit que j’adore…et tes photos sont top (comme d’hab je dirais)
Laponico Articles récents..Randonnée automnale // Berry
retourdumonde
Posted at 09:51h, 26 octobreThanks Nico, ouai c’est inattendu comme endroit, pas mal de balades, de rando à faire, dommage que la pluie nous a empêché d’en découvrir un peu plus 😉