26 Avr De Rosans aux Baronnies Provençales
Suggestion d’accompagnement sonore :
Nino Ferrer – Le Sud (CBS Records – 1975)
Ce n’est pas original mais j’ai fredonné cette chanson tout le week-end, alors j’assume. Originalement composé en anglais pour son album avec Radiah Frye – La mère de Mia Frye-, Barclay’s obligeât Nino Ferrer à la sortir en français. Cette chanson ne parle pas du Sud de la France, mais de la Nouvelle-Calédonie où vécut le chanteur durant son enfance.
C’est une histoire en plusieurs actes qui commence par ces lignes, en catimini sans trop en parler, on a décidé de s’offrir un bol d’air frais. Je ne sais pas trop de quelle manière ça s’est déroulé, mais Cécile a réussi à me faire changer de Sud. Peut-être à force de l’emmener toujours en bas à gauche, elle a voulu me montrer qu’en bas à droite il y avait aussi des choses à voir. Je n’en doutais pas, je le jure ! Avec le fallacieux prétexte d’avoir une photo à signer –mais c’est une autre histoire – on a quitté nos boulots pour s’engouffrer dans le train vers l’Autre Sud, direction le Rosanais et les Baronnies.
On est arrivés de nuit, Avignon, Orange, ont défilé pendant que les infos nous montrait de nouveau à quel point le Monde avait la gueule chiffonnée. C’était une bonne décision que de se faire une petite parenthèse dans la frénétique vie de tous les jours. Requinqué par une nuit de sommeil revigorante, je me suis calé sur le rythme du sud ou plutôt sur le rythme que nous à Paname, avions perdu. On a pris le temps de sentir le soleil se lever, d’attendre que l’eau bout, que le café monte, on a pris le temps de vivre, tout simplement.
Jusqu’à en faire déborder le coffre, on a fait le plein de barbaque, de trucs à grignoter et sous un soleil peu alerte, on a pris la route, avançant sur cette magnifique route qui longe les Gorges de l’Eygues, croiser des à-pics fabuleux. Tout ce chemin pour arriver à Rosans et ses, tout juste mais pas totalement, 500 habitants.
Un village posé sur une timide colline dominant cette région oubliée qu’est le Rosannais, coincée entre la Drôme et les Hautes-Alpes. On y a découvert des petites rues labyrinthiques portant simplement les noms de « Petite Rue », « Rue de l’ancienne église »,… Pourquoi faire compliqué quand on peut faire simple ?
Ce n’est un secret pour personne là-bas on a rejoint une vieille amie voyageuse, Ann. Installée ici avec son ami maraîcher, on a mis le temps en pause le temps de quelques heures, quelques jours. Le temps de parler de tout et de rien, de profiter, de découvrir leur vie, de parler de la nôtre, de partager des recettes, des techniques.
Rentrer dans les détails n’aurait pas d’intérêt et cette petite parenthèse n’appartient qu’à nous. On pourrait vous raconter qu’on a refait le monde, qu’on a planté des semis de tomates, que j’ai appris à développer des photos, qu’on a déambulé dans les petites artères de Rosans tôt le matin juste pour retrouver le plaisir d’aller chercher les viennoiseries pour le petit dèj’, qu’on a fait la misère à plus d’un morceau de fromage, mais ce serait déjà trop en dire.
Mais on avait quand même les fourmis dans les jambes, puis j’avais envie de découvrir ce petit confetti de France qui m’était inconnu. Sur les bons conseils de nos amis, on a jeté notre dévolu sur Saint-May, 40 habitants, posé sur un magnifique rocher dominant le paysage à 360° des Baronnies Provençales. De quoi donner le tournis. Après avoir anticipé un pique-nique pas piqué des vers – mais on y reviendra -, on a pris une route qui à elle seule vaut le détour pour poser la voiture à coté d’un antique Prieuré.
Direction le Rocher du Caire. Longeant des cerisiers, des champs de lavande encore en pleine croissance on s’est dérouillé les articulations sous un cagnard matinal qui commençait à faire son effet.
Bon, on dit que de là-haut c’est un super spot pour admirer les vautours. Alors oui, mais non. Depuis Rémuzat on les voyait très bien, mais il a fallu qu’on grimpe sur le rocher pour que nos amis les rapaces décident d’aller casser la graine. La seule faune observable se résumait à des ornithologues du dimanche, penchés au-dessus du vide, attendant comme nous le Gypaète barbu et autre Vautour moine. L’occasion de faire de la street photography en milieu montagnard.
Ok, je vais être honnête on a bien vu quelques rapaces frôler les rochers et les à-pics, mais au fond la vu se suffisait d’elle-même. On apercevait un peu des Dentelles de Montmirail, Rémuzat à nos pieds avait des allures de France Miniature et ça nous allait très bien comme atmosphère.
Les cannes dégourdies, les arpions dérouillés, les guiboles en forme on n’avait pas envie d’en rester là. Ann et Samuel nous avaient conseillé un petit coin, les Crêtes du Raton, un coin magnifique pour observer la topologie du paysage à 360°. On devait faire office d’éclaireurs, eux n’ayant pas encore eu le temps de s’attaquer à cette balade. Fiers comme Artaban, prêts à grimper n’importe quelle montagne on est partis dans ce vieux hameau pas vraiment abandonné, on a cassé la graine de manière pantagruélique – vous la voyez arriver la suite de l’histoire ? – du fromage de chèvre frais, des pousses d’épinards, des rillettes, des pommes gorgées de jus. A l’ombre des arbres, putain qu’on était bien.
Par contre, on n’avait absolument aucune idée de comment attaquer la montagne, pas vraiment de balise, on a bien tenté d’attraper un petit réseau de rien du tout pour charger la carte de la randonnée, mais rien. Jouant à pile ou face, se faisant fin limier on a attaqué un chemin sans trop savoir. Nous voilà embarqués sur les flancs du Col de la Fromagère.
Alors, ne vous attendez pas à voir des photos, cassons le mythe de suite, on a galéré comme des débutants. Au début ça allait, un chemin qui serpente en montée au milieu de la forêt, pas plus, pas moins juste ce qu’il faut pour vous faire redescendre sur Terre. Plus on avançait, plus ça grimpait, plus ça grimpait, plus ça montait. Des ravines de gros cailloux qui rendent le pas instable, on a monté pendant des heures, se décrassant les poumons, suant sang et eau, mais quand même plus eau que sang. Au bout de plus d’une heure et demie, on a abdiqué. Oui c’est moche, mais on a baissé les bras. On pourrait arguer que, au choix : le soleil commençait à décliner ou qu’on ne savait pas où on allait ou qu’un bon gigot d’agneau de Pâques nous attendait. Oui, un peu de tout ça à la fois.
La descente fût beaucoup moins alerte que la montée, et pourtant ce n’était déjà pas glorieux. De retour aux Ratons, on était vidé, las, rincé, nettoyé mais bien, très bien même. Contents d’avoir été un peu delà de nos limites de citadins. On nous aurait dit avoir grimpé l’Everest, on l’aurait cru volontiers.
Pour ne pas mourir idiots, sur le retour, en voiture, on a été voir a quoi ressemblait le haut du Col de la Fromagère dont on apercevait un bout de route en marchant. Le plus moche dans tout ça, a été de se rentre compte qu’on avait du faire demi-tour à peine à 500m du sommet. Là-haut le soleil baignait les montagnes d’une couleur orangée, la lumière était magnifique, l’instant suspendu.
Mais on n’avait pas envie d’en rester là, étirant le temps plus que de raison, on s’est perdu dans le petites rues paisibles de Saint-André-de-Rosans, un vieux village de caractère, les ruines de son abbaye séculaire, et surtout on voulait voir le Risous se parer d’une robe orange safran. On était vraiment bien.
Exténués, on a mis les pieds sous la table, on a de nouveau refait le monde en lisant la bible des plantes, attendant que le gigot soit a point, et on lui a fait la misère, il n’en restait pas un morceau.
Le lendemain, on quittait Rosans, et ce petit bout des Baronnies, après un antépénultième café, ne voulant pas refermer la parenthèse. On a laissé nos amis derrière nous, on a jeté un dernier regard sur leur serre, sur cette fameuse parcelle, on a repris la route, le road trip continuant sous un temps maussade.
Vers Chauvac-Laux-Montaux on s’est arrêté sur un petit chemin longeant les rives de l’Armalause. Le Printemps pointait le bout de son nez et pourtant les couleurs étaient automnales, un tapis de feuilles mortes à nos pieds, on a écouté le son de l’eau qui coule, la nature. Oui c’est un peu cliché, mais croyez le ou non, on avait besoin de ça, de ce rien, de ce silence salvateur, de ne rien faire si ce n’est s’arrêter et contempler.
Mettre le cerveau sur pause, le temps de quelques minutes, quelques heures, de se soucier le moins possible de la suite, de se vider la tête. Impossible de savoir combien de temps nous sommes restés ici, la notion de temps était devenu quelque chose de totalement abstrait.
Tranquillement à notre rythme on a continué d’arpenter ce long serpent de goudron qui dans la journée, nous a de nouveau offert de découvrir des paysages magnifiques dans une ambiance indescriptible qui se vit, qui se voit plus qu’elle ne se raconte, mais pour que vous aussi puissiez la découvrir, il faudra attendre la suite.
Yashica Mat-124 G et une pellicule de Kodak T-Max 400, Minolta SRT 101 avec de la Kodak Color Plus 200 exposée à 400 et un Nikon F et de la Kodak Color Plus 200.
mzelle fraise
Posted at 16:12h, 26 avrilJe comprends que vous ne vouliez pas trop en dire, ça me fait pareil quand on part voir les copains dans le très-au-sud 🙂 c’est difficilement transcriptible de toute façon ! En tout cas, le joli coin d’Ann est <3
retourdumonde
Posted at 17:53h, 26 avrilOui tout à fait et nos discussions, ce moment était une petite parenthèse qui nous appartient. Oui c’est vraiment un superbe coin, avec beaucoup de possibilité de balades, de farniente aussi 😉
LadyMilonguera
Posted at 17:18h, 26 avrilC’est une belle région que je découvre à travers ton article !
retourdumonde
Posted at 17:54h, 26 avrilMerci, et tu vas voir la suite aussi vos le détour, tellement l’ambiance et les paysages étaient d’une rare beauté. 🙂