13 Fév Somme-Where – De Equihen-Plage à Merlimont-Plage – Jour 2
Suggestion d’accompagnement sonore :
Chris Rea – Somewhere Between The Stars (Rhino Records – 2011)
Elevé au biberon à coups de Chris Rea, ce n’est pas la première fois qu’il se retrouve dans les suggestion d’accompagnement sonore. Ici dans son album Santo Spirito Blues, Chris Rea nous sort un texte puissant sur une mélodie proche d’un skank reggae et remplie d’une certaine mélancolie.
Peu importe la distance, peu importe la destination et le moyen de voyager, il n’y a pas de petits voyages. Le nôtre était donc officiellement lancé. A à peine quelques heures de Paname, cachés et reclus derrière une haie, à quelques grands pas de la mer, nous étions toujours Somme-Where en France, prêts à continuer notre route sans point final mais au moins jusqu’à Merlimont-Plage.
Jour 2. Pour être honnête je n’ai aucun souvenir de la nuit, c’est mon souci, sans notes, les souvenirs ont parfois tendance à trop s’estomper, il n’en reste alors que des images floues, fugaces, aussi volages qu’un homme en pleine crise de la quarantaine. Alors je tente d’en recoller les morceaux en m’aidant des sensations, des photos, d’une carte routière pour en réécrire l’histoire.
Tout ce dont je me souviens c’est que nous nous sommes réveillés, la température avait sensiblement baissé, l’humidité elle, avait clairement grimpé et quelques gouttes tombaient du ciel sans que l’on leur ait demandé quoi que ce soit. Comme d’habitude, comme à chaque fois, les mêmes réflexes, faire chauffer la casserole de flotte pour préparer le thé mais aussi pour réchauffer les volutes de fumée que recrachent nos poumons rafraîchis.
Passé le petit-déjeuner bien calés au chaud, j’ai laissé Cécile dans le van à bouquiner, à prendre son temps, tandis que j’ai été siroter mon café instantanément bien noir au pied de La Crevasse là même où la nuit dernière j’avais photographié les étoiles. L’appel du large, la beauté du ciel d’argent, de la marée haute et de la colonie de mouettes en rotation hypnotique au-dessus des falaises m’ont appelé, comme la mer finit toujours par rappeler un marin auprès de soi. Je suis revenu au van, j’ai troqué ma tasse contre mon sac à dos, coiffé mon bonnet et je me suis embarqué sur le Sentier du littoral qui part de La Crevasse et qui pousse jusqu’au Cap d’Alprech et son fameux phare.
Le soleil avait définitivement disparu laissant place à un vent à déplumer les mouettes. Quelques gouttes éparses étaient aussi de la partie, mais rien d’insurmontable. Le sentier du littoral d’Equihen-Plage sillonne les falaises. Gare aux personnes sujettes au vertige car il n’est pas rare que sur certaines portions, le chemin ne soit pas plus large qu’une paire de chaussure d’un 42 fillette. Malgré tout, les végétations, les tons brûlés de la lande et des champs autour valaient à eux seuls le détour sous cette lumière froide, terne mais lumineuse à la fois. J’ai donc continué mon chemin sans trop savoir jusqu’où je pousserais.
J’ai beau ne pas avoir le pied marin, je connais bien la mer pour autant. Quand on se balade, seul, il faut savoir jauger son environnement, il est un compagnon qui peut vite passer du statut d’allié à celui d’ennemi. Au-dessus de l’horizon, j’ai senti le vent tourner, les nuages s’assombrir, la mer se charger d’écume. Ça puait, mais j’ai continué, têtu comme je suis. Pour voir toujours plus loin, après cette colline et puis après ce virage, là, et encore après ce talus. Le chemin monte et descend, vous faisant passer par des ponts de bois à l’allure suspecte, emprisonnant vos pompes dans une boue moelleuse et piégeuse.
Je suis au revenu au van, trempé, dégoulinant, bon à être essoré, séché, étendu, mais avec un large sourire sur le visage impossible à décoller. J’avais affronté les prémices de la tempête Carmen et j’étais content, comme un môme à Noël. En voyage, il faut savoir mettre sa dignité et le glamour de côté. J’ai enfilé tout ce qu’il nous restait de sec, je me suis sapé sans ressembler à grand-chose, juste pour pouvoir continuer le voyage et minimisant les risques d’attraper la crève.
Légèrement frustré de n’avoir pu voir ce fameux phare de l’Alprech, on a décidé de revenir sur nos pas pour s’y poser en voiture. Le Phare d’Alprech ou Phare du Portel c’est le plus haut du Pas de Calais. 62,35 m au-dessus du niveau de la mer, bien à l’abri au milieu d’un ancien fort militaire d’Alprech. Bon, là c’est le moment où je deviens un très mauvais bloggeur et raconteur, car je n’ai aucun souvenir des informations sur le fort militaire. Je me souviens juste que j’avais les pieds trempés, j’avais froid, que seules les tranchées le long du fort nous protégeaient un tant soit peu du vent soufflant ardemment. J’ai souvenir d’entrepôts de munitions, des zones pour les canons et d’anciennes latrines. C’est tout.
Je me souviens aussi du phare à la forme plus ou moins originale avec son escalier serpentant la structure, d’un bâtiment des années 60 à ses côtés à l’architecture amplement discutable et d’une atmosphère figée. Des rondeurs de talus, des bosses artificielles, des trous d’obus, d’où, au-loin, n’émergeait que la pointe rouillée du Phare du Portel.
On a quitté Le Phare du Portel pour reprendre la route direction le Sud. Plein Sud. Hardelot-Plage nous a offert un instant de répit. Le vent était tombé, la pluie avait quasiment cessé et on pouvait même affirmer haut et fort que le soleil faisait son apparition. Calés face à la mer, au chaud ou presque, on a dégusté un casse-dalle sur le pouce, mais un casse-dalle avec vue et ça, ça n’a pas de prix.
Le soleil arrachait les plis des nuages avec rage et une force sans nom pour déposer ses raies sur les chars à voile tapant des pointes sur le longue plage d’Hardelot. A chaque seconde, chaque mouvement de paupière la lumière changeait, du fade au magique, du terne au puissant. C’était beau. Une parenthèse d’un temps qui passe, qui se fige pour apprécier le temps qu’il fait.
Repus et rassasiés, on a repris la route pour d’un coup, sur un coup de tête, sans trop savoir ce que l’on y trouverait, bifurquer plein ouest sur une longue route, une infinie ligne droite au milieu des pins, semblable à ces routes que l’on trouve dans les Landes. Un trait de bitume tracé à la règle, sans rien ni personne, qui déboucha soudainement sur l’Océan. Bienvenue dans les Dunes du mont Saint-Frieux. L’Histoire raconte qu’au début du Moyen-Age, Saint Frieux depuis sa montagne surveillait les Vikings et prévenait les villageois de leurs arrivées.
Aujourd’hui cet espace naturel est un champ des possibles en termes de balades, on s’y murmure que l’on y croise même des vaches poilues écossaises. Au vu des dernières précipitations, les promenades perpendiculaires au milieu des dunes avaient des allures de tourbières. N’étant toujours pas remis de ma tempête, toujours un peu frigorifié, on a pris le parti de s’attaquer à la plage. Longue étendu de sable blanc, de dunes crayeuses bourrées de fossiles, ou les blockhaus s’éparpillent comme plein de petits cailloux disséminés le long de la plage.
Si la pluie s’était stoppée, le vent n’avait lui fait que forcir. La tempête Carmen commençait à poindre le bout de son museau et l’on pouvait facilement prendre des positions acrobatiques, penché son corps de plusieurs dizaines de degrés sans pour autant se casser la gueule. A défaut de se jouer de la tempête nous jouions avec elle.
On a fini de gambader au pied d’un drôle de monument, bouffé, rongé, dévoré par la rouille. Une pancarte jaunie par le temps nous appris qu’il s’agissait du Monument des missions sans retour, hommage à tous ces aviateurs disparus lors des nombreux combats aériens de la seconde guerre mondiale, qu’ils fussent belges, canadiens, français, polonais…
On a quitté le Mont Saint-Frieux où l’on se serait bien vu y passer la nuit pour tirer tout droit, dépassant, la Baie de Canche, Le Touquet, et d’autres bleds où au fur et à mesure, les maisons devenaient de plus en plus cossues et les allées de plus en plus large, un genre de Wisteria Lane version Hauts-de-France, pour arriver à Stella-Plage. Que l’on vous dise, Stella-Plage, comme toutes les autres villes de la côte, possède hors-saison et en hiver, un charme désuet qu’il faut savoir apprécier. Une impression de ville fantôme, morte, abandonnée mais pour autant attrayante. On y croise des parkings immenses, digne d’un Disneyland, mais vides. Les volets fermés des résidences secondaires y claquent dans un bruit sourd, les stores des glaciers vrombrissent dans le vide. Alors l’on en vient à s’imaginer en été, quand les familles descendent de Boulogne-Sur-Mer, de Lille, de Tourcoing, de Compiègne pour passer l’été sur les grandes étendues sableuses.
Tout ça pour dire qu’à Stella-Plage, on a tourné en rond sans savoir où se garer. Rien ne nous donnait envie de nous poser, on a tergiversé, un tour sur Park4Nights ne nous a pas plus convaincu et on a poussé plus loin, à Merlimont-Plage. Les rues étaient presque vides là-aussi, des serpentins de sable semblables à ses cousins de neige que l’on croise en Islande, en Finlande ou en Scandinavie traversaient la route sans regarder à droite ni à gauche. Des congères de sable, soufflées par le vent s’amoncelait le long des trottoirs. L’apocalypse semblait tout proche.
Las de chercher, on s’est replié au bout du parking de Merlimont-Plage. En contre-bas pour ne pas gêner, protéger par un semblant de talus. Mes fringues étaient un peu plus sèches, se mijotait le reste des frites de Bailleul et des escalopes de dinde. Après une ultime déambulation nocturne dans les quelques mètres de parking, nous avons tiré notre révérence.
Dehors le clac-clac-clac des bâches butant sur l’échafaudage métallique d’une résidence en réfection, donnait le tempo de notre nuit à venir et le ressac des vagues allait nous bercer de leurs rythmes incessants, quasi hypnotique. La tempête était bien là et nous étions fin prêts à l’accueillir à bras ouverts.
Nikon D610 | Yashica Mat-124 G & Kodak T-Max 400
Lydie
Posted at 11:06h, 13 févrierC’est exactement ça… un temps degueulasse venteux et mouillé, une mer grisâtre, – on peut dire argent mais ça s’appelle du lyrisme, en littérature. Des plages tristounettes à l’exception de quelques-unes et des petites villes à l’avenant !
C’est no-where sur Somme que je connais assez bien, que seuls de charmants touristes peuvent apprécier parce qu’ils ne font qu’y passer. Romantisme quand tu nous tiens….
retourdumonde
Posted at 15:44h, 13 févrierMais que ce soit Somme-Where ou No-Where, nous les citadins que nous sommes, c’est ce que vous venons chercher. La beauté du rien, le silence de l’ailleurs qui se déguste avec romantisme et qui s’écrit avec lyrisme.
Vany
Posted at 17:17h, 13 févrierMais qu’est ce que c’est bien écrit !!! Je suis conquise 🙂
retourdumonde
Posted at 16:45h, 14 févrierMerci beaucoup Vany !
Larrosari
Posted at 10:46h, 14 févrierPlaisir de vous relire, enfin 🙂
retourdumonde
Posted at 16:45h, 14 févrierPlaisir de vous voir toujours si fidèle ! :-*
mzelle fraise
Posted at 16:32h, 15 févrierMais moi je le trouve pas mal du tout ce phare sixties ^^
retourdumonde
Posted at 18:42h, 25 févrierAh non mais moi les architectures compliquées, loufoques, je suis un grand, grand fan ! <3
Alice
Posted at 19:20h, 27 févrierLes mots choisis décrivent si bien les tourments de la nature, de cette tempête ! Ça fait du bien de revenir par ici vous lire !
retourdumonde
Posted at 12:30h, 28 févrierMerci Alice, les tempêtes c’est un peu notre petit péché mignon 😉