13 Mar Somme-Where – De Quend-Plage-les-Pins au Hourdel – Jour 4 & 5
Suggestion d’accompagnement sonore :
The Tymes – Somewhere (Parkway – 1963)
Groupe de soul méconnu, The Tymes, durant leur carrière, réussirent néanmoins à placer quelques hits dans les hit-parades aussi bien au Royaume-Uni qu’aux USA.
On le sait, on a désormais passé cette bascule propre à chaque voyage. Dépassé la moitié, celle qui fait que l’on se retrouve plus proche du retour que du départ. Les jours doivent alors se profiter, l’on se doit de s’en délecter quand le parfum de la fin approche. Par souci de contenance et de contenu ce sera donc un double article. Deux jours en un. De Quend-Plage au Hourdel, récit d’une fin de voyage.
J4. Quend-Plage-les-pins se réveille sous des tons de rose. Le parking mouillé par les rincées de la nuit, reflète des nuages d’acier d’où parviennent à percer quelques lueurs de rose et d’orange. Ce sont les premières lueurs du dernier jour de l’année.
Nichés au fond du parking, Quend-Plage est silencieux si l’on excepte le bruit des rafales de vent qui s’introduisent dans les petites artères de la station balnéaire désertée. Le temps d’enfiler mon manteau, visser mon bonnet et me voilà parti pour me réveiller les sens à coups d’embruns. Le vent me fouette le visage, la tempête est bien là, frappant les côtes avec hargne et force.
Les rues sont vides. Les gens sont terrés chez eux et encore une fois les seuls inconscients bravant les éléments sont les propriétaires de chien, bien obligés d’affronter le temps exécrable pour faire dégourdir les coussinets de leur Médor. Ah si, un runner bien inspiré croisera aussi mon chemin, pas rebuté par les rafales, par le sol glissant mélange d’eau de mer et de sable, résultant une sorte de bouillasse hasardeuse un tantinet dangereuse pour les chevilles.
Marée basse. Les kilomètres de côtes duneuses se révèlent enfin en plein jour. Au loin, en plissant les yeux, j’aperçois quelques silhouettes marchant sur le sable et disparaissant aussitôt dans le brouillard glacial qui semble stagner au-dessus de l’écume. Les mouettes, elles, sont les seules à être en plein kiff. S’amusant avec les différents courants du vent, virevoltent, dansent dans le ciel, partent en piquer pour vriller et se laisser porter.
Une fois réveillés, habillés, rassasiés à coups de café fort, de thé trop infusé et de tartines nécessaires pour apporter le nombre de calories suffisant qui seront instantanément brûlées une fois le pied dehors, nous décidons de rebrousser chemin pour tenter, si c’est possible, de se balader dans la Baie d’Authie que nous avions laissée de côté hier soir.
La Baie d’Authie pour expliquer un peu c’est une anse qui marque la limite maritime entre la Somme et le Pas-de-Calais, une sorte de frontière naturelle qui offre à voir une diversité de paysages assez rare. Des mollières (pré-salés avec mares, des estrans – zone découverte et visible uniquement lors des marées – ) et des petites dunes disséminées par-ci, par-là.
Une fois arrivés, on n’ose pas vraiment se lancer et ça pour plusieurs raisons. La première, on ne sait pas trop quels sont les horaires de marées, considérant le fait que la marée haute semble être le soir, on fait un rapide calcul. Ok, ça devrait passer. Deuxième interrogation, on ne sait pas trop où marcher. Pas de chemins indiqués on en déduit donc qu’on est assez libres dans nos mouvements, sauf que ne voulant pas détruire ou abîmer la flore on n’ose pas trop s’avancer.
La flore, parlons-en tiens. La Baie d’Authie est une zone Natura 2000 et évoquer les espèces de plantes que l’on croise revient à ouvrir un herbier aux noms les plus farfelus et étranges les uns des autres : iris fétide, oyat, panicaut des dunes, ache rampante, liparis de Loesel,… Mais il faut bien l’admettre devant notre totale ignorance en terme de flore, on ne sait pas vraiment quoi est quoi. C’est tout juste si nous arrivons à identifier les pousses de limoniums. Et encore…
Résultat nous voici embarqués, ainsi qu’un couple accompagné d’un chien, dans un dédale de marécages et de boue dans lesquels nos chaussures s’enfoncent avec un certain plaisir. Splouch, Splash, Scouich, nos pompes se font aspirer et se font prendre au piège une fois sur deux. On essaye de zigzaguer, évitant les flaques d’eau salée, on s’approche d’une cabine de chasse (?) enfouie dans un monticule herbeux d’où l’on jouit d’une magnifique vue sur…..des leurres. De faux oiseaux en terre ou en plastique flottent en toute décontraction sur les mares.
On a beau chercher à comprendre, aucune explication ne nous vient pourtant à l’esprit. Leurre pour rassurer la faune ? Volonté assumée de surprendre le marcheur en goguette ? Pas de réponse. On croisera tout de même quelques aigrettes garzette ou échasse blanche au loin que l’on prendra bien soin de ne pas déranger dans leur sieste matinale.
Au loin, en plissant les yeux derrière un brouillard de pluie, on distingue le reste de la baie et le phare de Berck, là-même où nous étions la veille pour observer les phoques.
La Baie d’Authie est une réserve naturelle qui regorge d’espèces de poissons, de volatiles, de fleurs et autres plantes, un endroit où il est agréable de se promener, mais accompagné de quelqu’un du cru pour vous montrer les meilleurs coins doit sans doute être un plus non négligeable.
Nous revoilà au chaud, les pompes boueuses, le jean crado, mais le cœur et la tête lavés par la brume salée qui flotte dans la Baie d’Authie. La suite de la journée, pluvieuse à souhait est une longue ligne droite par les chemins de traverse. On s’embarque sur une petite départementale, la Route de la Froise qui s’éloigne de la côte et traverse des champs, des marais, et une succession de bleds aux noms originaux que seule la France est capable de nous offrir : Monchaux, Froise, Le Bout des Crocs et sans trop le vouloir au croisement de plusieurs routes, on tombe sur l’Auberge de la Dune.
Ça tombe bien, on a envie de se remplir la panse d’un repas chaud, histoire de se refaire une santé, de gagner des points de vie pour affronter le reste de la journée. Et puis bon, on est le 31 décembre, autant aussi se faire plaisir !
C’est donc dans un restaurant à moitié vide, en pleine préparation des tables pour le soir du réveillon que nous nous installons. Faisant montre de débrouillardise toute relative aux voyageurs nomades, on choisit la place près du chauffage, histoire d’en profiter pour sécher, écharpe, bonnet, manteaux. D’une pierre, deux coups. On se repait à coup de ficelles picardes et de gigot d’agneau de Pré Salé de la Baie de Somme.
Le temps s’étire, il file, ça tombe bien on n’est pas pressé.
Et là j’ai comme un trou dans ma mémoire, peut-être la chaleur du chauffage m’avait-elle rendu amorphe mais je ne me souviens plus trop. Je crois me souvenir qu’on est arrivé jusqu’au Crotoy que l’on a bien tenté d’arpenter malgré une tempête bien installée sur les côtes de France. Le vent vous pliait les Hommes, la pluie vous cinglait le visage de mille petites lames, se promener n’était plus un plaisir mais tournait à la gageure. Trempé, bon à être essoré, ruisselant, dégoulinant. Pourtant de ce que je me souviens, le centre du Crotoy avec ses petites maisons basses aux cheminées fumantes, aux fenêtres éclairées fleurant bon l’après-midi de cocooning, à lézarder sur le canapé, un bouquin dans une main, une tasse de chocolat chaude dans l’autre, bercé aux mélodie d’un bon vieux disque de Sonny Rollins.
Mais non, nous, nous étions de l’autre côté du miroir. Trempés jusqu’aux os, se marrant de voir les parapluies fendus par le vent, abandonnés dans la première poubelle venue. Voilà ce dont je me souviens du Crotoy.
Après nous avons bifurqué à Saint-Valery-sur-Somme, fait quelques achats au supermarché du coin, et on a filé le long de la côte à la recherche d’un spot pour la nuit. On a tourné, passé le phare du Hourdel, on a continué pour tomber sur un fameux spot de camping repéré avant de partir : le Parking de la Route Blanche.
Sectaires comme nous sommes, on n’avait pas à cœur de se mélanger avec les gros bahuts de 6-7m de long, tous branchés sur leurs paraboles, bien au chaud dans leur confort. Alors on s’est posé du côté véhicule, bien au calme, protégés par une série de grands arbres. Ce soir la tempête sera à son paroxysme et il est important de s’en protéger autant que l’on peut.
On a cuisiné notre repas de fête, notre magret à la salicorne, des pennes et une petite sauce à la crème, que l’on a dégusté savoureusement en jetant un œil aux vœux du Président, histoire de garder la tradition. Et on a filé au pajot. Il n’a pas fallu nous bercer, la tempête s’en est chargée.
J5. 1er jour de l’année. De la nuit je ne me souviens de rien mais je ne peux pas m’empêcher d’avoir toujours un petit coup de fade le premier jour de l’année. Comme si je devais obligatoirement regarder en arrière, y chasser les regrets, en avoir peur sans les affronter. Le premier jour de l’année tout le monde regarde devant et moi je regarde derrière.
Je me suis extirpé discrètement du van et je suis parti, en solitaire comme souvent les matins de voyage, grillant ma clope et découvrant le paysage de jour. J’ai remonté le parking, j’ai bifurqué à droite, descendu un petit chemin et je me suis pris une gifle.
Les couleurs, les premières couleurs de l’année valait vraiment le coup d’être vues. Le visage chiffonné comme une vieille chemise mal rangée, les yeux mi-clos comme un gaspard se dorant la pilule dans les rues de Malte, encore enveloppé de la chaleur de la nuit je me suis pris une petite claque.
Déjà je ne m’attendais pas à tomber face au Bunker de la Dune Blanche que j’avais vu en photo mais dont je n’avais pas pensé à localiser, et puis ce ciel. Ce ciel était fou, lacéré de bleu de rose, tacheté d’orange. Une lumière surréaliste.
Je ne sais plus trop si j’ai envoyé un message à Cécile ou si je suis revenu en courant au van en lui disant « Lâche tout et ramène-toi ! Maintenant ! ». Car on le sait tous, la fugacité de ces instants en fait tout le charme. En un clin d’œil le ciel peut se couvrir, les nuages disparaitre, les couleurs se faner.
Y avait t-il plus belle façon de commencer l’année ? Honnêtement je ne pense pas. Quand les couleurs ont commencé à disparaitre, on est retourné au van, le temps d’avaler un petit déjeuner et puis on est reparti longer le sentier de la Dune Blanche en repassant par les marais. Une balade didactique sur la faune, la flore, une balade que l’on se verrait bien faire à vélo, remontant les paysages comme on remonte le temps.
On a quitté le parking de la Dune Blanche, et après c’est un peu confus encore une fois, je me souviens qu’on a poussé jusqu’à Cayeux-sur-Mer en faisant un détour par le Phare de Brighton. Qu’on a passé plusieurs dizaines de minutes à regarder des mômes jouer avec les vagues de la tempête Carmen, se faisant peur pendant que le père regardait la scène les mains dans les poches.
Ensuite je ne sais plus, on a coupé par les terres, par des routes sans noms, traversant des petits villages que j’ai oubliés et on a atterrit devant l’Abbaye de Valloires.
Il tombait des seaux, le parking était plein de boue, de gadoue. On a mangé, rangé, cleané, nettoyé, empaqueté nos affaires, la fin du voyage était au coin de la porte. Au prochain virage. La suite n’a été qu’une longue ligne droite pour se rentrer sur Tourcoing. J’avais le blues, j’avais mal aux bras à force de conduire crispé par le retour. Arrivés à Tourcoing de nuit, c’est la fille de Mr. Wattel qui nous a accueillis, aussi gentille et serviable que son père, elle a fait le tour, surprise de la propreté avec laquelle on rendait le van et après nous avoir déposé à la gare, et a commencé la grande saga de la déprime du retour.
Une longue attente dans la salle d’attente surchauffée de la gare de Lille, l’occasion d’envoyer les vœux, de répondre à ceux reçus.
On a rejoint Paname sous la pluie avec un blues nous collant aux basques mais bien contents d’avoir arpenté ces quelques routes qui traversent la Baie de Somme et la Côte d’Opale, ravis d’avoir découvert à nos yeux des nouveaux paysages, des nouveaux chemins. Content de, de nouveau, se rendre compte que la France regorge de richesse et que l’on ne termine jamais de découvrir des coins, somme-where.
La vidéo :
Nikon D610 | Yashica Mat-124 G w/ Kodak Portra 400
Samsha
Posted at 00:09h, 14 marsTrès belles photos!
Audrey
Posted at 22:50h, 14 marsBelle rencontre fortuite ce bunker !
Je vois qu’on vit la fin des voyages de la même façon, et tu arrives à rendre cela tres poétique 😉
retourdumonde
Posted at 12:37h, 15 marsClairement, c’est toujours plaisant de tomber par hasard sur ce genre de plaisir photographique ! Merci Audrey ! <3
Souris dodue
Posted at 23:58h, 17 marsQuel plaisir d’admirer de si belles photos de ma région! Merci!!!
Joyeux week-end
retourdumonde
Posted at 13:30h, 18 marsMerci pour ces jolis mots ! 🙂
Elise
Posted at 18:30h, 29 avrilWaou les photos et la vidéo sont magnifiques !!
retourdumonde
Posted at 09:45h, 30 avrilMerci beaucoup Elise ! 🙂