27 Fév Somme-Where – Du Touquet à Quend-Plage-les-Pins – Jour 3
Suggestion d’accompagnement sonore :
Nat King Cole – Somewhere Along The Way (Capitol Records – 1952)
La voix susurrante du grand Nat King Cole, quelques violons, un fond de piano. Une ballade à la fois triste et chaleureuse, ode à un amour perdu et aux souvenirs que cela augure.
Revigorés d’embruns, bercés par les prémices des assauts de Carmen, enveloppés dans un froid hivernal. La côte défilait plein sud avec ces mêmes paysages de plages dunaires, lunaires, ces villes aux allures abandonnées. C’est ce grand vide, ce rien que nous cherchions dans Somme-Where et c’est l’exact opposé que nous offrit Le Touquet.
Jour 3. La nuit fut aussi agitée que l’est le temps à notre réveil. Capricieux, venteux. Dehors les lames d’écume se brisent dans un fracas assourdissant, le vent plie les quelques jardinières posées le long de la promenade et le sable semble être à deux doigts de nous ensevelir tant il progresse un peu partout, dévorant chaque dizaine de centimètres de bitume. Au réveil, Merlimont-Plage est grise et rose pâle à la fois. Sur la mer aussi loin que porte mes yeux je n’aperçois que des dizaines de centaines de milliers de vagues qui se mélangent, se brisent, écumeuses comme un chien enragé. Carmen est bien là, installée et nous ne quittera désormais plus. Il est loin le soleil hivernal de Equihen-Plage.
Seuls quelques courageux promeneurs de chien osent affronter les rafales tempétueuses, zigzaguant comme des piliers de bar après une longue déambulation nocturne. Les chiens ne semblent n’avoir qu’une envie, continuer la balade tandis que les maitres eux, ne rêvent que d’une chose : un café bien chaud calé au fond du canapé.
Merlimont-Plage a des allures de brochure des années 70 avec ses longs immeubles aux formes biscornues, anguleuses et ses balcons en verre fumé. Paradis des architectes loufoques laissant libre court à leur imagination futuriste. Le temps d’un énième café et l’on rebrousse chemin, direction Le Touquet-Paris-Plage.
On est le 30 décembre 2017, c’est jour de marché. Après quelques tours dans les petites artères de la ville qui nous donne l’occasion de voir des maisons à l’architecture toute particulière, passant de la maison flamande à des choses plus ubuesques. Des maisons roses, bleues, rondes, ressemblants à des meringues et aux noms un peu étranges : Villa Pomme d’Api, Villa Tata Ice,…
On s’enquille vers le marché couvert qui, de forme circulaire, englobe toute la place. La foule des grands jours, on se croirait au Marché de Passy un dimanche matin. Ca bourdonne, ça gueule un peu, ça papillonne, la queue est partout et l’impression d’être à Paris se renforce en jetant un coup d’œil aux plaques d’immatriculations. Si l’on dit de Deauville que c’est le 21e arrondissement de Paris, Le Touquet me donne la vague impression d’être dans le 20,5e.
On en profite pour faire le tour, garnir le panier de joyeusetés locales, miel, cake aux fruits, spécialité locale, mais surtout le but de ce marché pour nous, faire les provisions en vue du repas de réveillon de demain soir. On se rabat sur du magret fumé à la salicorne – une algue – histoire de se donner un petit semblant festif. Les bras chargés, on arpente la fameuse Rue de Paris et c’est l’odeur de petits sablés qui nous fait tourner Rue Saint Louis dans la Manufacture du Touquet. Le paradis du petit sablé, du sablé en veux tu en voilà, du salé, du sucré, du qui croustille, du au parfait goût de parmesan. Forcément, gourmets comme on est on repart les bras chargés, pour la famille, les copains, les amis et surtout pour nous. On fait un dernier décrochage par la fameuse chocolaterie du Chat Bleu histoire de continuer les présents.
Chaque voiture, chaque devanture que nous croisons, partout tout est orné du Caddy, devenu symbole du Touquet. C’est assez marrant à voir pour moi l’amateur de vieilles affiches de voyage, comment cette affiche de promotion de 1925, dessinée de main de maître par Edouard-Abel Courchinoux, est devenu LA vitrine de la ville.
L’estomac commence à donner des signes de fatigue à force de papillonner parmi les étals et les magasins, bien décidés à se taper la cloche, on longe le front de mer. La lumière est juste parfaite, les nuages blancs se diffusent comme un sfumato de De Vinci, les dunes sont d’un blanc, jaune doré, tout semble vaporeux, à peine perturbé par la linéarité des palissades en bois. C’est simplement beau et même la silhouette du parc d’attraction vide ne semble pas venir perturber la beauté de l’instant.
Ne trouvant rien, on se résout à se poser dans le van, sur l’immense parking face à la mer, observant les mouettes bien garées à leur place, attendant qu’un bout de frite ou de gaufre tombe de la main d’un touriste en goguette. Aussitôt le repas avalé et alors que le temps tourne à notre défaveur, j’arpente la longue langue sableuse de la plage du Touquet pour prendre en photo l’architecture balnéaire. Le poste de secours semble lui aussi figé dans le temps, disparaissant presque parmi les énormes digues de sable crées par ce vent à déplumer les mouettes.
On laisse Le Touquet dans le rétroviseur et nous reprenons la direction du Sud. Plein Sud direction Berck. De Berck on n’en attend rien ou presque, on se laisse porter dans la ville en chantier, presque désertée tant les rafales de vent repousse les gens chez eux. Au loin, on distingue la pointe d’un phare, juste ce qu’il nous faut pour attirer notre curiosité et pousser jusque là-bas. On tourne, on se perd pour finalement se garer à son pied, celui-ci n’étant pas construit le long de l’eau mais en retrait, coincé entre un hôpital aux allures de Sanatorium du 18e siècle.
Le phare photographié, on s’intègre dans la foule des badauds qui se baladent le long du front de mer. Ici, cumulé à la Pleine Lune, les grandes marées repoussent la mer à un horizon plus que lointain. Tellement lointain qu’il faut plisser les yeux pour apercevoir les quelques vagues venir mourir dans un fracas d’écume.
On était venus les chercher et pourtant on a failli les louper. S’il n’y avait une foule accumulée le long de la fin du port, on les auraient peut-être manqués. Ils, ce sont les phoques de la Baie d’Authie. Ils sont là, telles deux petites masses se dorant la pilule sous un soleil inexistant, la queue en l’air, les nageoires à la fraiche, bien calés sur un banc de sable et totalement indifférents aux voyeurs qui les matent.
Forcément bien organisés comme on l’est, pas de jumelles, pas de téléobjectif, juste nos yeux pour regarder leurs silhouettes rondouillardes. Mais c’est l’occasion de prendre l’air, de marcher, de se balader, d’observer aussi bien les gens que les phoques gris et autres veaux marins. Totalement disparus au début des années 2000, ils reviennent petit à petit lézarder sur les bancs de la Baie d’Authie.
On reste là, à se laisser piloter par le vent, à errer au gré de ses rafales et petit à petit, les oreilles rougies et le teint rose, on reprend la route à la nuit presque tombée. Commence alors la longue galère pour trouver un spot ou dormir. On tentera bien de faire un passage par Fort-Mahon, repérant un petit parking au bout de la Baie d’Authie Sud. Mais une barre à 2m nous oblige à revoir nos plans. Dommage, le spot était cool, juste au pied d’une balade dans les marais, terre de pousse du limonium et grand lieu d’observation ornithologique.
Le vent commence vraiment à devenir un paramètre à prendre en considération tant il est présent de plus en plus fort. Après avoir arpenté la moindre ruelle de Fort-Mahon, on bat en retraite et on passe au village suivant. Quend-Plage-les-Pins.
A Quend, on se pose face à la mer. La ville est désertement déserte, pour seules lumières les candélabres le long du front de mer et les quelques guirlandes de Noël encore accrochées à quelques balcons. Le nez face au vent, on en profite pour un arrêt dit technique (les spécialistes du voyage en van comprendront). Un van allemand est garé juste à côté de nous, mais le spot nous plait moyen. Je me couvre, j’enfile mon plus beau bonnet et je m’avance de quelques centaines de mètres pour repérer un gigantesque parking où une barre à 2m10 nous fait douter. On décide de tenter le coup. Ca passe. On va se caler tout au fond du parking, à l’abri d’une grosse dune et après pas loin de deux heures à tourner en rond, j’enlève enfin la clé du contact.
Tout juste le temps de décapsuler une bouteille de La Touquettoise, d’allumer la radio, pendant que la bouffe mitonne tranquillement, on peut enfin prendre le temps de souffler et de se réchauffer.
A la radio, toutes les stations ne parle que de la tempête Carmen, dont on suit la progression pas à pas et qui semble nous arriver tout droit sur le coin du pif. Je passe mon temps à regarder Windy et je suis bien content de nous être calés un peu loin de la mer. Juste au cas où, juste histoire de dormir sereinement. Demain nous sommes le 31 décembre et dieu seul sait où nous passerons le changement d’année.
Nikon D610 | Yashica Mat-124 G w/ Kodak T-Max 400 & Kodak Portra 400
Lydie
Posted at 14:27h, 27 févrierJuste pour rectifier une petite chose ou deux, j’adore votre blog ne croyez pas que je vous en veux … La célèbre artère du Touquet, qui mène de la mer à la forêt c’est la rue St Jean, même si tout le monde connaît aussi la ruede Paris. Le font de mer a été massacré il y a plus de trente ans par un maire plus désireux de démolir et de s’emplir les poches grâce aux bétonneux que de perpétuer une certaine tradition de bon goût ! Avant cela la ville n’était faite que de charmantes petites maisons toutes différentes les unes des autres, parfois biscornues mais pleines de charme. Créée par les Anglais, cette station devint rapidement à la mode, il y a eu pendant longtemps une navette aérienne régulière entre le sud de la Grande Bretagne et Le Touquet. Il faut marcher dans les petites rues en s’éloignant du bord de mer pour trouver encore des vestiges de cette époque. L’hotel Westminster, le grand casino, certaines villas (Manderley) , le grand plongeoir de la piscine (à l’eau de mer) attestent cette présence. Plus que de Paris tourné alors vers Deauville, ce sont les Lillois et autres nordistes qui ont fait aussi son succès.
retourdumonde
Posted at 14:52h, 27 févrierPas de soucis Lydie, je vous connais assez bien pour ne pas prendre mal votre message. Après comme souvent lorsque j’écris, il s’agit avant tout d’un ressenti à un instant T, je ne me permets et ne me permettrais de juger l’intégralité d’une ville ou d’un endroit en donnant l’impression que je le connais par cœur. C’est par exemple en ce sens que j’avais écrit un article Porto, où à l’instant T où j’avais pu visiter la ville, je n’avais pas aimé.
Concernant le Touquet, je sais que vous connaissez bien plus la ville que moi et lorsque j’utilise l’adjectif « biscornue », ce n’est dans ma bouche quelque chose qui n’est pas péjoratif. Ceux qui me connaissent savent à quel point j’aime les architectures hors du commun. Je ne doute pas que Le Touquet regorge de trésors d’antan et qu’il est possible, en fouillant, d’y voir là l’aspect d’une ancienne cité balnéaire avant que celle-ci soit bétonné (comme souvent le long des côtes française).
Mais voilà, nous avons vu Le Touquet en période de fête, en période de vacances et le sentiment d’être dans un autre arrondissement de Paris n’en était que renforcé (il suffisait de jeté un œil aux plaques d’immatriculations). Certes ce sont les nordistes qui en on fait son succès, mais c’est pourtant Hippolyte de Villemessant (re-fondateur du Figaro) et Mr. Daloz qui participèrent grandement à son développement et qui accolèrent au nom du Touquet le mot de « Paris-Plage ».
Il n’en reste pas moins que Le Touquet reste une ville agréable que je n’ai en aucun cas cherché à dénigrer.
Alice
Posted at 17:51h, 27 févrierBrrrr ! On sent d’ici le vent s’engouffrer dans nos cous… (ou alors c’est qu’il fait 10 degrès chez moi parce que le radiateur ne fonctionne plus ?) On s’y croirait vraiment ! Ça fait plaisir de retrouver par ici nos longues plages du Nord, pâles, les vents qui sifflent et couvrent le bruit des vagues, et ces écumes que l’on atteint après avoir marché un long moment dans les sables humides… Allez, je passe la marche arrière pour aller lire les premières pages de votre récit !
Et j’aime beaucoup la photo des deux phoques face au mur des passants, très réussie !
retourdumonde
Posted at 18:53h, 27 févrierAaaaaah qu’il est plaisant de te lire de nouveau dans les commentaires, ça nous fait toujours autant bomber le torse et ça nous rends toujours aussi fier. Moi je pense que c’est un savant mélange des deux, du radiateur et du vent qui souffle s’engouffre dans le col du pull.
Merci d’être passé et merci pour vos beaux mots Alice.
David
Posted at 20:12h, 12 avrilBonjour. Je suis tombe par hasard sur ce blog par un lien Facebook. J’ai plusieurs questions. Vous êtes de la région ? Je suis né dans la somme et j’habite à Amiens. Nous hésitons à acheter un california. Dommage que vous ne soyez pas allé jusque la baie de somme . Si vous ne connaissez pas je peux vous y guider avec quels conseils. Bon voyage en van !
retourdumonde
Posted at 10:12h, 16 avrilBonjour David,
Alors pour répondre à vos questions, non, nous ne sommes pas de la région, nous avons juste décider de la visiter à l’occasion d’un petit break de quelques jours autour du réveillon. Et nous avons bien poussé jusqu’à la Baie de Somme, jusqu’au Crotoy et de là, nous avons fait demi-tour pour remonter jusqu’à Tourcoing où nous avions loué notre California T6.
Bon voyage à vous !