01 Avr Myvatn, quand la Terre gronde
En toute humilité, je dirais que nous avons eu le flair de se dire : « Il faut qu’on s’arrête à Myvatn, qu’on y reste une journée ». Aucun problème d’ego, parce qu’en réalité, c’était la moitié du voyage, et le point le plus à l’est de notre road-trip. Cet arrêt était donc logique et puis aussi, il y avait la promesse de voir des paysages déroutants.
Myvatn, c’est le nom du lac, le 4e plus grand lac d’Islande, d’une superficie de 37 km2. Ne m’en voulez pas, je ne fournirai pas de détails quant à sa richesse ornithologique parce qu’en hiver, les canards n’ont pas été nombreux devant notre objectif.
J’ai plutôt envie de vous expliquer comment on sent la Terre vivre sous nos pieds quand on est dans ce coin de l’Islande. Tout a commencé il y a 10 000 ans avec le recul de la calotte glaciaire vers les glaciers Vatnajökull et Langjökull, ce qui donna naissance à un premier lac. L’activité dite « récente » date d’il y a 6 600 ans avec une première éruption du volcan Krafla (le plus haut volcan de la région du Myvatn) qui a produit Lúdentsborgir, un cratère d’explosion, suivie il y a 3800 ans d’une coulée de lave.
Il y a 2500 ans, il y a eu une explosion phréato-magmatique. N’ayez pas peur du terme, cela veut simplement dire un contact entre magma et eaux souterraines. Et c’est à cette période que naquit le Hverfjall, cratère cher à William, qui l’a trouvé très photogénique.
Il y a 2000 ans, une éruption fissurale partant de Þrengslaborgir et de Lúdentsborgir (deux cratères à l’est du lac) provoqua une coulée de lave qui a finalement dessiné la typographie actuelle du lac Myvatn : la lave, rentrant en contact avec l’eau, a provoqué des explosions, qui donnèrent naissance aux pseudo-cratères (des volcans sans racine), qu’on peut observer sur le lac. C’est de cette période que se formèrent également les Dimmuborgir.
La dernière éruption du volcan Krafla date de 1984. La coulée de lave fut accompagnée d’explosions qui ont été tellement fortes que le ciel, rougit par la lumière dégagée, a rendu visible cette éruption jusqu’à Reykjavik. Le nuage de dioxyde de soufre a été détecté jusqu’en Estonie, à 2 200km du site. Cette éruption a provoqué des déplacements de terrain, qui depuis se sont stabilisés.
J’ai simplifié et allégé la chronologie, vous vous en doutez, mais cela fait tout de même une activité volcanique intense sur un court laps de temps. Et ça permet de poser le décor.
En ce début de journée, on commence par le site de Dimmuborgir, en face de notre guest house. Le site de Dimmuborgir ou « châteaux sombres » en français, est à la base un lac de lave (formé suite à la coulée de lave il y a 2 000 ans), mais la vapeur d’eau s’échappant du sol a refroidit la lave en remontant, ce qui a provoqué la formation de colonnes, qui se sont solidifiées en refroidissant. Lorsque le barrage retenant la lave a cédé, seules les colonnes sont restées, certaines mesurant presque 10 mètres. Le paysage que donne à voir ce site est particulier. La neige qui recouvrait la lave au moment où nous l’avons parcouru fait ressortir le noir des colonnes et les rend encore plus impressionnantes. Ces colonnes ont parfois des formes tellement humaines au milieu de ce site de manifestations géologiques, qu’on croirait presque aux elfes…
Nous partons des Dimmuborgir pour se rapprocher du Krafla, par une route tracée au milieu des montagnes. L’odeur de soufre est de plus en plus présente, c’est normal car à droite de la route se trouve le solfatare de la Námafjall, et à gauche, plus loin, la centrale géothermique du Krafla, Kröflustöð.
Cette centrale, qui produit de l’électricité par géothermie, a été construite entre 1974 et 1977. Mais du fait de l’éruption de 1984, qui injecta des gaz volcaniques dans le réservoir de la centrale, la production d’électricité a été beaucoup ralentie jusque dans les années 90. Il faut avoir en tête que ce type d’exploitation est fragile, du fait de l’activité volcanique et géologique, qui peut à tout moment abîmer les infrastructures et stopper la production. La géothermie pour le chauffage et l’électricité, ce n’est pas vraiment un choix pour les Islandais.
Du fait de leur éloignement des continents et de leur sous sol pauvre en pétrole, ils se doivent d’être autonomes en terme d’énergie, car elle ne peut pas être importée. Elle peut être par contre exportée, pour l’anecdote, la possibilité d’installer un câble sous-marin a été soulevée, avant d’être abandonnée. L’Islande a préféré attirer les industries sur son territoire, pour qu’elles produisent à l’aide d’énergie propre. Mais du fait de l’installation de nombreux sites industriels, la demande en énergie augmente fortement et la production doit s’accélérer. La production d’électricité par géothermie atteint 20% de la production totale du pays en 2011.
Au-delà de l’usine, on continue la route 863 jusqu’au Krafla, en passant sous ces énormes tuyaux. Mais malheureusement, en hiver, seuls les piétons peuvent continuer, car la route est recouverte de presque 1m50 de neige !
On revient donc sur nos pas, ou plus précisément sur la route n°1, jusqu’au site de Hverarönd au pied du Námafjall. Pour la petite histoire, Hverarönd signifie «les sources chaudes des canards» et Námafjall «la montagne de la mine». Ces sources chaudes composent une zone de haute température comportant des évents de vapeur et des marmites de boue. Imaginez-vous qu’à 1 000 mètres de profondeur, la température de l’eau, réchauffée par le magma du Krafla est de 200°C !
La vapeur dégagée est accompagnée de divers gaz, entre autres d’hydrogène sulfuré, qui donne cette odeur particulière d’ «œuf pourri» au site. Cette vapeur d’eau brûlante s’échappe du sous-sol de plusieurs manières : sous forme de fumerolles, ces monticules de terre aux bruits de cocotte minute – plus ou moins stridents -, ou sous forme de mares de boue : lorsque la vapeur d’eau, dans sa remontée vers l’air libre, rencontre des sédiments comme l’argile, cela forme des mares de boue, autour desquelles on peut voir des dépôts de soufre. Au fur et à mesure du temps, elles s’assèchent, mais continuent de dégager de la vapeur. Toutes ces manifestations forment un solfatare, c’est à dire une zone de dépôt de soufre.
Le soleil est avec nous sur Myvatn ce jour-là. On le verra se coucher lorsque nous serons dans les bains chauffés naturellement par géothermie Jardbodin, le pendant du nord du Blue Lagoon. Une bonne manière de terminer cette journée sous un froid mordant, comme seules les journées ensoleillées du Nord savent donner.
Le contraste était d’ailleurs assez amusant : de tout le voyage, cette région de Myvatn était la plus enneigée, alors que c’est celle qui a le sous-sol le plus actif.
On la quittera avec regret, on regardera une dernière fois ce lac si envoûtant et si particulier, et on laissera les elfes gambader au milieu des colonnes de lave de Dimmuborgir.
Emmanuel
Posted at 10:15h, 01 avrilahah les odeurs d’oeuf pourri, ça me rappelle quelque part ça ^^
juste histoire de compléter le comm’, bel article comme d’hab et bien documenté en +
Cécile
Posted at 11:00h, 01 avrilC’est vraiment fun, le Myvatn que j’ai vu moi était tellement différent en été ! Mais dans les deux cas, c’est vraiment un endroit magnifique, et vos photos sont très belles !!
Laponico
Posted at 12:53h, 01 avrilOuai c’est bien sympa !!! Excepté l’odeur, ça donne vachement envie d’y venir et s’y poser…
Mili - The Flying Dutchwoman
Posted at 14:15h, 01 avrilEt voilà, maintenant je veux retourner en Islande et enfin aller au Nord (je crois que le plus simple sera de s’exiler là-bas en fait)! J’ai fait la mini-mini-version de Námafjall, dans la péninsule de Reykjanes (à défaut de pouvoir aller tout là-haut): c’était déjà assez impressionnant, alors j’ose à peine imaginer ce que ça pouvait donner en grandeur réelle.
Les photos sont évidemment superbes (coup de coeur pour l’aurore boréale bien entendu)… et pour finir, je dirai qu’un voyage en Islande sans l’odeur d’oeuf pourri, c’est pas un vrai voyage.
Mili – The Flying Dutchwoman Articles récents..Lost in… Iceland (Guide)
retourdumonde
Posted at 08:48h, 02 avrilTout à fait, un voyage en Islande sans odeur d’oeuf pourri c’est un peu un voyage raté. Et comme on disait dans notre article bilant, le top reste le combo eau soufrée + dentifrice ! Merci pour ton message.
Proserpine
Posted at 17:12h, 01 avrilJe ne pense pas que j’irai aussi loin lors de mon voyage mais c’est magnifique, sans même parler de l’aurore boréale, plus d’articles et de photos, s’il vous plaît !
retourdumonde
Posted at 17:20h, 01 avrilOn fait au plus vite ! Merci pour ces encouragements.
Dis moi…tu sais que l’Islande c’est pas super loin du Canada, finalement !
A bientôt
Cécile
zerzer
Posted at 21:38h, 01 avrilVos photos sont très très jolies, mais j’ai l’impression de le dire un peu trop par ici 🙂
C’était possible de grimper sur le Hverfjall enneigé? je l’ai fait en été, mais on sait jamais, d’ici qu’un jour je retourne là-bas en hiver.
Enfin bon j’me disais, Monsieur Madame On a du flair, vous êtes allés voir la centrale géothermique, mais on voit pas de photo ni de la caldeira ni du champ de lave tout frais juste à côté (enfin, 1984. Et mon endroit préféré du monde jusqu’à présent)… c’est parce que vous nous cacher des photos, ou alors vous avez préféré garder une bonne excuse pour retourner en Islande? 😉
Vu du ciel, c’est la grosse tache noire : https://www.google.fr/maps/dir/Krafla/Krafla+Power+Plant,+660,+Islande/@65.7207724,-16.7568378,7433m/data=!3m1!1e3!4m14!4m13!1m5!1m1!1s0x48cd0a8ed8c04b3d:0xb4b201beb348ea80!2m2!1d-16.7833333!2d65.7333333!1m5!1m1!1s0x48cd0aa4265cbf0d:0xdffecd7b0cc2b1d1!2m2!1d-16.775415!2d65.702882!3e2?hl=fr
Et vu de terre, quand je mettais pas beaucoup de photos sur mon blog : http://wohohoho.fr/?p=21
zerzer Articles récents..Du skrei et des bateaux (et des pølser)
retourdumonde
Posted at 08:54h, 02 avrilMerci !
Il semble qu’il ne soit pas possible de grimper sur le Hverfjall, ou alors avec un guide payant, et en rajoutant le transport en superjeep à l’addition.
Et pour la caldeira du Krafla, comme on le dit dans l’article, la route était inaccessible (environ 2m d’épaisseur de neige de différence entre les 2 routes) en voiture. Et pour faire le chemin à pied il fallait être équipés de ski ou de raquettes, mais nous ne l’étions pas. Et croyez moi, on a regretté de ne pas l’avoir vu, mais comme vous dites, c’est une bonne excuse pour y retourner !
zerzer
Posted at 19:05h, 02 avrilEt zut, voilà, prise en flagrant délit de « Y’a une image dessous alors je finis pas de lire la phrase ».
Bon effectivement, 2m de neige ca me semble être une bonne excuse (pour y retourner 🙂 ).
zerzer Articles récents..Du skrei et des bateaux (et des pølser)
Cedric
Posted at 10:00h, 02 avrilEt bah ! J’y suis allé en été et j’ai randonné dans le coin jusqu’au cratère du volcan… Sur les fesses devant le paysage enneigé, au point où je ne reconnais rien !
Sinon, c’est un spot sympa quand y a du soleil, avec un chouette camping en bord de lac où les familles canard gambadent en paix et viennent piocher dans les gamelles non terminées…
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Mélissa
Posted at 22:49h, 07 avrilPfff… C’est juste ridiculement beau! Tu me fais vraiment regretter de ne pas savoir conduire. J’ai envie de sauter dans un avion le prochain hiver pour aller faire trempette à Jardbodin!
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Marion
Posted at 13:22h, 19 maiIncroyable ! Les photos que vous nous montrez de la région de Myvatn ne correspondent absolument pas aux miennes, ou à mes souvenirs ; tout simplement parce que j’y suis allée en été et non en hiver ! J’ai l’impression que tout est différent : le décor et l’atmosphère changent réellement!
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