29 Oct Vanessa Gandar, la photographe des Mers du Nord
Tout a commencé par une simple remarque, au boulot : « Tiens Cécile, toi qui aime bien les pays nordiques, je connais une fille qui a super projet, elle va aller faire des photos des Mers du Nord ». Un tour sur le net, et je la découvre. Elle se nomme Vanessa Gandar, et elle n’avait jamais voyagé dans des latitudes très élevées. Elle a eu la curiosité d’aller tout découvrir avec des yeux neufs et un appareil photo, évidemment.
Qui es-tu, Vanessa Gandar ? Peux tu présenter, nous dire d’où tu viens et ce que tu fais ?
Je m’appelle Vanessa Gandar, je suis née à Metz en 1982. J’ai fait mes études à l’Ecole Supérieure d’Art de Lorraine (ESAL). J’ai été diplômée en 2005. J’ai obtenu une licence en Art du Spectacle en 2006 et le CAPES d’Arts Plastiques en 2009. Je suis aujourd’hui artiste photographe et je travaille en autodidacte. Je fais aussi partie du collectif GIRI depuis 2004.
Dans mon travail photographique la notion de voyage, d’itinéraire et de découverte du monde sont prépondérantes. Pour moi, il y a quelque chose d’attirant et de captivant dans la découverte d’espaces qui nous sont inconnus. Ils dégagent comme une fraicheur qui nous emplit d’émotions. C’est de cet état de nomadisme, de cette situation même que nait mon inspiration créative. Mes photographies dévoilent des espaces infinis, presque intemporels où nait une esthétique particulière. Les paysages épurés qui y sont représentés imprègnent l’espace qui les environne d’un silence, d’une plénitude, d’un flottement presque irréel, comme si le temps était suspendu.
Ton projet ‘’Mers du Nord’’, c’est quoi ? D’où t’es venue l’envie de le faire ? Avais-tu cette idée en tête depuis longtemps ?
En 2007, je suis partie à Berlin, via une résidence d’artistes subventionnée par le Conseil Général de la Moselle. Cela devait durer un an mais j’y suis restée une année de plus, tellement la vie berlinoise me plaisait. Je n’étais jamais vraiment montée dans le Nord, si on peut dire que l’Allemagne est déjà le Nord. A ce moment là, je travaillais la photographie plutôt dans des climats chauds (ex : Espagne, Tunisie, Ile de la Réunion) et je n’imaginais pas trouver un intérêt aussi intense pour les paysages du Nord.
Durant mon séjour berlinois, je suis souvent montée sur la côte pour admirer les grandes plages de sable clair qui bordent la mer Baltique. J’avais déjà vu des photographies ou des reportages qui montraient ces magnifiques baies, mais je n’avais jamais envisager de les photographier. Néanmoins, c’est quand je me suis retrouvée pour la première fois sur l’une d’elle que j’ai ressenti toute leur puissance. La force du vent qui balaye tout sur son passage, le son des vagues qui viennent s’écraser contre les falaises. La nature sauvage, comme si on était seul au monde. Pour moi, ces plages du Nord nous ramènent à l’immensité fragile des paysages nordiques. De ces espaces infinis, presque intemporels, balayés par l’air marin, naît une esthétique particulière. Le climat froid, voire glacial dans certaines régions, amène des couleurs plus pastel et plus douces. Elles créent une atmosphère non pas mélancolique, mais poétique. J’aime ce calme, ce silence qui s’installe et imprègne les paysages et les sujets qu’elles donnent à voir. Dans mon travail photographique on ressent bien cette coupure entre mes travaux d’avant 2007 et ceux d’après. Mes premiers travaux étaient plus spontanés avec des couleurs plus chaudes et franches.
Cette fascination pour cette solitude sereine m’a donné l’envie de poursuivre mes pérégrinations et d’aller voir encore plus au Nord. Ce qui m’a amené à monter ce projet « Mers du Nord ». Une itinérance qui m’a conduit à visiter et à rencontrer les habitants de nombreux pays d’Europe du Nord, des rives de la Mer du Nord à celles de la mer Baltique, de l’Océan Atlantique et de la mer du Groenland. C’est un périple qui m’a entraîné à parcourir les côtes de la France vers celles de la Belgique, de l’Allemagne, des Pays-Bas, du Danemark, des pays Scandinaves (Suède, Finlande et Norvège), de l’Écosse, de l’Irlande et de l’Islande.
Dans ce projet j’ai cherché à rendre visible ces moments uniques où sujets, émotions et lieux ne font plus qu’un. Ce projet a été subventionné par des fonds personnels ainsi que par la DRAC Lorraine et par le Programme Européen Jeunesse en Action (PEJA).
Pour toi, les pays nordiques, avant cette expérience, étaient ils inconnus ? Te semblaient-ils lointains ?
Oui, ils m’étaient complètement inconnus. Je les ai découvert au fur et à mesure que je voyageais. En même temps, je me suis beaucoup documentée avant chaque départ. J’ai fait des recherches sur le internet, j’ai regardé des reportages, j’ai beaucoup lu, notamment des récits d’aventuriers des pays du Nord, comme Nicolas Vanier et Mike Horn. C’est devenu une obsession, d’aller toujours plus au Nord, là où personne ou peu de gens ont pu se rendre. Je voulais que mes photographies dévoilent cette pureté du monde. Montrer la beauté de l’inaccessible et la rendre encore plus unique.
Comment as-tu vécu le froid ? Dans quels pays étais-tu en hiver ? Et as tu fait toutes tes photos avec le même appareil ? Quel est ton matériel ?
Ah le froid ! On a beau se préparer ce n’est jamais une partie de plaisir. Le froid humide est le pire. Je l’ai vécu en Islande en mars 2011 quand je m’y suis rendue pour la première fois. La forte répétition d’averses de pluie et de grêle mêlées aux vents forts qui nous font basculer au sol, avec des températures ressenties aux alentours de -5 degrés, j’avoue que je ne pensais pas vivre ça un jour. Il faut vraiment bien s’équiper dans ces pays du Nord : chaussures chaudes de marche, gants, bonnets, grosses vestes… J’ai toujours l’impression d’être un ours quand je pars. Mais cela est nécessaire et ça fait partie des aléas des expéditions, c’est d’ailleurs aussi ce qui les rend toujours hasardeuses et motivantes. Je travaille toujours en extérieur et j’ai besoin de passer du temps pour chaque prise photo. Je marche aussi beaucoup pour trouver des points de vue intéressants. Il faut aussi parfois attendre plusieurs minutes immobile que le soleil se cache ou que la pluie cesse avant de prendre la photo. Même en étant vraiment bien équipé au bout de quelques heures on meurt de froid. On a plus de sensibilité dans les doigts, on arrive plus à faire la netteté dans l’appareil parce que nos yeux pleurent sans cesse. On ne se rend pas compte en regardant les photos de la difficulté que cela coûte à chaque fois. J’ai souffert aussi de l’humidité et du froid, quand je suis partie sur l’archipel du Svalbard en été 2013.
J’ai fait du camping sauvage pendant 10 jours et rares étaient les moments où il ne pleuvait pas. Cela a beau être magnifique, quand il pleut tout le temps, il n’y a rien à faire : toutes les affaires prennent l’humidité et les appareils photo n’en parlons même pas. Il faut les emballer dans des sacs contre l’humidité constante et il faut les garder contre soi, surtout en ce qui concerne les appareils photo électroniques pour que les batteries ne se vident pas trop vite à cause du froid. Les conditions climatiques m’ont valu d’endommager pas mal de matériel photo. Je travaille en argentique toujours avec mon fidèle Hasselblad. Une pellicule photo me permet de faire 12 photos, ce qui est peu. Donc chaque prise nécessite un temps de réflexion. C’est du vieux matériel mais je peux dire que c’est le plus résistant. Il a connu des froids à -20 degrés, du vent, de la poussière, de la pluie et de l’eau de mer… bon, je ne cache pas que j’ai cru le perdre à plusieurs reprises, mais après plusieurs révisions, il tient toujours le coup. Par contre, avec le transport j’ai rayé pas mal d’objectifs malheureusement. On ne peut pas tout sauver !
Tu viens tout juste de terminer ton projet, quel bilan tu tires de cette expérience ? Tes photos ont une ambiance feutrée, très calme, est-ce ce que tu as ressenti en parcourant les côtes du Nord ?
En fait, je n’ai pas complètement terminé. D’ailleurs, on n’a jamais vraiment terminé des voyages de ce genre. Faute de temps et d’argent, il y a des pays que je n’ai pas pu visiter, comme les pays baltes. Je le regrette et je pense les faire prochainement. J’aurai voulu aussi me rendre dans les Lofoten dans le Nord de la Norvège. Il y a plein de territoires magnifiques dont regorge l’Europe du Nord. On n’en a jamais fini de les explorer. Le bilan est qu’à partir du moment où on commence le voyage, on ne peut plus s’arrêter. En somme, plus on en voit, plus on en veut. En passant par les hôtels, maisons d’hôtes, auberges, campings et campings sauvages, où que je me rende, les gens ont été accueillants. On imagine souvent les habitants des pays du nord austères. Eh bien pas du tout, ils sont chaleureux, attentifs et patients.
Les pays du Nord sont riches de légendes et on sent qu’ils aiment partager leurs histoires et prendre le temps de nous les raconter en détail. C’est très agréable, on a l’impression qu’ils sont tous issus d’une même histoire, d’une même famille qu’ils respectent et qui les guident dans leurs actes au quotidien. En Islande, c’est le plus marquant. Les histoires que content les anciens et l’attention qu’ils portent à la nature, car pour eux c’est elle qui décide de tout. Ils font preuve de sagesse et je pense que tous ces voyages m’ont apaisé l’esprit. On apprend beaucoup sur soi quand on voyage, c’est une réelle richesse que j’essaye de transmettre par le biais de mes photographies. La fragilité des paysages nordiques et le fait qu’ils soient si changeants et inaccessibles nous questionnent sur nous-mêmes, sur notre manière de vivre au quotidien, mais aussi sur nos actes et notre devenir.
Quelle est la suite de l’aventure ? Tes projets futurs ?
Mes futurs projets sont d’éditer un livre qui regroupera des textes et des photographies de ce projet Mers du Nord et bien sûr de faire des expositions pour montrer ce travail en France mais surtout en Europe. J’aimerais toucher le plus large public, les sensibiliser à la beauté du monde, mais aussi à l’urgence de le préserver, même à petite échelle. Et évidemment je souhaite avoir la possibilité de continuer à voyager et à prendre des photos, en trouvant des aides financières, des mécènes… Mon plus grand souhait serait d’intégrer une équipe de scientifiques et de les accompagner sur le terrain.
Pour ou contre la retouche ? Quel est ton point de vue ?
Je n’ai jamais fait de retouches, ni de recadrage. Pour moi la photo doit ressembler à la réalité, à ce que je vois. Dans mon travail photographique, la beauté naît de ce que m’offre à voir la nature elle-même. Je n’ai rien contre les retouches et je trouve d’ailleurs incroyable tout ce qu’on arrive à faire maintenant à l’aide de logiciels photo.
Philosophie de voyage ? plutôt baroudeur, backpacker, roadtripeur, marcheur, explorateur…. ?
Je me considère comme un « wanderer ». Je me donne un point de départ et une fois sur place je me laisse guider par mon instinct et par la beauté du des paysages qui m’entourent.
Ton premier souvenir de voyage en France ?
La beauté des Alpes, c’était la première chaîne de montagnes que je voyais.
A l’étranger ?
L’architecture des maisons de Londres.
Le pays qui t’as le plus marqué et que tu conseillerais ?
L’Islande est une île jeune qui regorge de paysages tous plus beaux les uns que les autres. C’est le pays du feu et de la glace. C’est le pays le plus sauvage et surprenant que j’ai pu visiter.
Celui qui t’a le plus déçue ?
Aucun ne m’a déçu, mais je dirai que le Danemark, au niveau de la diversité des paysages, a été le moins intéressant.
Quelles sont les choses dont tu ne te sépares pas lorsque tu pars ?
Mon appareil photo et mes papiers d’identité
Quelles sont les choses que tu ramènes toujours lorsque tu reviens ?
Cela va paraître curieux mais je ramène au moins un caillou de chaque expédition. Ils sont si vieux, ils ont tout vu, tout connu.
Le moment où tu t’es dit « qu’est ce que je fous là » ?
Il y en a eu beaucoup des moments comme ça. C’est surtout quand ça va mal, qu’on se dit ça. Je dirais sur les routes en Islande en hiver. J’ai souvent pris des locations de petites voitures parce qu’elles étaient moins chères, mais en Islande le temps est tellement changeant qu’on peut se retrouver très vite piégé dans des tempêtes de neige et ne plus rien distinguer du tout. C’est la première fois que je ne pouvais plus distinguer la ligne d’horizon et toutes ces routes glacées où la voiture n’adhérait pas…Tout était blanc, on ne distinguait plus la route du reste, comme si on était dans un paysage immaculé. Bien sûr c’était magnifique mais dans ces moments là, on pense quand même à sa sécurité.
J’ai pris de gros risques quand j’y pense; mais quand on est photographe et qu’on a soif de grands espaces, on se dit : « allez je peux le faire! Ca doit se traverser en voiture! Les rafales de vent ne seront pas si fortes! …. » C’est sûr qu’on en prend plein les yeux, mais c’est souvent rare qu’on arrive à photographier dans ces conditions. Il m’est arrivé de devoir m’allonger au sol pour faire une photo tellement il y avait du vent. Je ne tenais pas debout même la voiture tremblait. Autant dire que la photo était complètement floue. Mais bon, j’aurais essayé.
Une photo que tu regrettes de ne pas avoir faite ?
Il y en a plein. J’aime quand le temps est orageux ou brumeux, alors bien sûr le temps d’atteindre le point de vue idéal ou de sortir le matériel c’est souvent trop tard. Mais les images restent en mémoire.
Une dernière chose à ajouter ?
Je tiens à remercier ma sœur Fiona Gandar qui m’accompagne de plus en plus dans ces périples. Elle travaille dans les soins animaliers et ensemble nous partageons cette passion pour les paysages et la faune des pays du Nord.
Où peut on te suivre et voir ton travail ?
Sur mon site internet : http://vanessagandar.com/
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Posted at 13:21h, 29 octobre[…] Entre Islande, Finlande et Groenland, partez à la découverte du travail de Vanessa Gandar, photographe des paysages des mers du nord. […]
LaRoux
Posted at 15:19h, 29 octobreje suis allée zieuter son site, il est top, les photos sont magiques ! ! !
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Curiosités à NY
Posted at 16:48h, 29 octobreC’est magnifique! merci pour le découverte!
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Entre nous soit dit
Posted at 16:52h, 29 octobreLa 4eme photo est vraiment Waou ! Très très fan !
Laurent de WorldFactoryTour
Posted at 17:29h, 29 octobreMagnifique série de photos ! La photo de l’iceberg reste ma préférée le contraste de lumière est saisissant.
retourdumonde
Posted at 00:31h, 30 octobrePareil, j’ai du mal à décrocher de cette photo !
Vagabondanse
Posted at 18:17h, 29 octobreQuel(le) bel(le) article et interview ! Un projet à saluer, qui peut difficilement laisser de marbre les mordus nordiques (et les autres!) 🙂 Ca donne envie de faire son sac et de partir sur le champ…! Le rendu de son travail peut apparaître parfois simpliste, mais dégage tant ♥
Une jolie claque visuelle et littéraire ! Merci.
Petit bémol néanmoins pour le lapsus graphique concernant l’Hasselblad 😉
retourdumonde
Posted at 00:35h, 30 octobreMoi qui ai pourtant un peu de mal dans les photos minimalistes de paysage, je doit admettre que celles-ci, on une jolie histoire à raconter. Merci à toi pour ce (premier ?) commentaire !
PS : Il ne me semble pas avoir fait de faute, même si la typo peut, peut-être, le laisser penser. Je te fait un zoom dessus ? :p
Vagabondanse
Posted at 02:57h, 30 octobreMa devise : « j’aime la simplicité des belles choses », s’adapte on ne peut mieux ici à son travail ! 🙂 Pourquoi faire plus quand l’essentiel et là ?
Le premier ? 😮 Tu te fiches de moi ? Ah bah ca fait plaisir !! ^^ Je vois que mes (romans) commentaires précédents t’ont(vous ont) marqué 🙁
Ps : je te remercie, mes lunettes me donnent une bonne vue ! En revanche, veux tu que je te les prête pour constater que tu n’as pas représenté un Hasselblad mais plutôt un Welta ou un Rollei ? :p
retourdumonde
Posted at 09:48h, 30 octobreOoooh damn ! Je me confonds en excuse pour les commentaires ! 😉
Pour l’appareil en effet, j’avais le Yashica de mon père en tête, et puis c’était plus pratique pour le logo ! :p
Bernard
Posted at 23:28h, 18 janvierPassionné de la Scandinavie, nous y allons pratiquement 2 fois par an, je partage vos impressions et bravo pour vos photos.